Catégorie : Leçons de Choses

  • Pourquoi les résultats des élections américaines prennent-ils autant de temps ?

    Pourquoi les résultats des élections américaines prennent-ils autant de temps ?

    Salut, c’est moi Oncle Gator. Je suis de retour après plusieurs mois d’absence. Je sais, je suis aussi surpris que vous. C’est que pendant que vous avez passé les derniers mois confinés à vous emmerder chez vous après avoir épuisé le catalogue de Netflix, moi, j’ai bossé… Genre 10 fois plus que d’habitude. J’ai limite frôlé le karoshi.

    Mais bon ça se calme un peu ces temps-ci, et je refais un peu surface. (Sinon, ça si vous intéresse, je suis quand même actif sur Twitter, hein)

    Au moment où je tape ces lignes, il semble clair que trois jours après le jour des élections américaines Joe Biden est élu président des États Unis d’Amérique.

    « Trois jours après »…. « Semble »… « C’est même pas officiel »…

    “Mais pourquoi est-ce que ça prend si longtemps ?”

    Entend-je aux quatre coins de l’internet de la part de mes compatriotes habitués à avoir les résultats de leurs élections le dimanche à 20h00 pétantes, voire même avant, en douce, sur les sites internets belges.

    Eh bien je vais essayer de vous expliquer.

    Commençons effectivement par la France, où nous avons toujours les résultats à exactement 20h00.

    Oui… Sauf que non. Ces résultats à 20h00 ne sont jamais officiels. Il ne s’agit toujours que d’estimations. Estimations basées essentiellement sur deux choses.

    Tout d’abord, les bureaux de vote dans la plupart du pays ferment à 18h00. Ça laisse deux heures aux dépouilleurs pour dépouiller. Et je ne sais pas chez vous, mais dans ma ville natale les bureaux de vote sont nombreux, les dépouillements se font assez rapidement. Mais dans les grandes villes ça prend plus de temps, surtout quand les bureaux ferment à 20h00.
    Sauf que ces résultats partiels sont accompagnées de sondages aux sorties des urnes. Et si les sondages du genre “pour qui allez-vous voter ?” ne sont pas toujours fiables, essentiellement parce que les gens mentent ou changent d’avis, les questions du type “pour qui avez-vous voté ?” le sont beaucoup pus. Les gens ont moins de raison de mentir (on regrette rarement son vote quelques minutes à peine après avoir mis son bulletin dans l’urne, ça vient plus tard), et ils ne peuvent plus changer d’avis.

    Les deux décomptes permettent en général d’avoir une idée précise à 20h00 du résultat d’une élection comme l’élection présidentielle. D’ailleurs remarquez que quand nous avons des élections locales, même si l’hyper-centralisme de la France transforme tout scrutin en débat national, même et surtout quand il ne le devrait pas, les résultats prennent parfois plus de temps à arriver. Tout simplement parce qu’une élection nationale est souvent moins serrée qu’une élection locale.

    Et c’est là que se trouve le début de l’explication de la lenteur des résultats américains. L’élection présidentielle américaine est une élection locale.

    Ah oui, tiens, comment elle marche cette élection présidentielle aux États Unis, en fait ?

    Comme j’espère vous le savez déjà depuis le temps (et au moins depuis 2000, sinon depuis 2016), l’élection présidentielle américaine ne se fait pas au suffrage universel direct, mais au suffrage universel indirect. Ce sont vraiment les grand électeurs qui votent vraiment pour le président, pas les gens. Et cette élection, qui n’est bien souvent qu’une formalité, se déroule en décembre.

    Cette élection n’est bien souvent qu’une formalité parce que c’est le vote de début novembre qui détermine qui va choisir ces électeurs dans chaque état. Chaque état dispose d’un nombre prédéterminé d’électeurs. C’est le total du nombre de sénateurs (2 par état) et de représentants (députés en France) dont un état dispose. Je passe aujourd’hui sur le pourquoi de la chose, je vous explique seulement le comment.

    Dans 48 états, c’est la règle du “winner takes all”. Cela veut dire que la marge de victoire d’un candidat dans un état n’a aucune importance. S’il gagne l’état, il gagne tous les électeurs de l’état. Qu’un candidat gagne avec une voix d’avance ou plusieurs millions ne changera rien, il pourra choisir l’identité de la totalité des électeurs de cet état.
    Le Maine et le Nebraska sont les seules exceptions : deux électeurs par état iront au gagnant de l’état mais les autres (deux dans le Maine, trois dans le Nebraska) seront attribués au vainqueur de chaque district de l’état.

    Et comme vous le savez certainement, il faut 270 électeurs pour gagner les élections.

    Dans certains états (à faible population, ou a tendance politique marquée) savoir qui va gagner un état est facile est rapide. Et le vainqueur de l’état peut être annoncé très rapidement, dès que les bureaux de vote sont fermés, avant même d’avoir fait le décompte officiel. Un peu comme en France quoi.

    Toutefois notez que ces annonces n’ont rien d’officielles, c’est de l’ordre du “on en est sûrs, donc on peut le dire.” Mais l’annonce officielle est toujours faite que plusieurs jours plus tard, par le Secrétaire d’État de l’état en question, et une fois que le décompte réel est terminé. Et il prend plusieurs jours à peu près partout, juste, le public et les médias ne s’en préoccupent plus , une fois la victoire décidée.

    Si on est sûrs des résultats d’assez d’états pour qu’un candidat atteigne les 270 grands électeurs, la messe est dite, le perdant concède la défaite, le vainqueur est très content et la phase de transition peut commencer.

    Ce n’est pas toujours le cas, parfois les résultats d’un état sont trop serrés pour annoncer un vainqueur avec un décompte incomplet. Et donc il faut compter assez de votes jusqu’à qu’il devienne mathématiquement impossible pour un candidat de perdre.

    Mais, je répète, la totalité des votes sont comptés dans tous les états. Par exemple, au moment où je tape ces lignes, seulement 66% des votes de Californie ont été comptés, pourtant la victoire de Biden dans cet état a été annoncée à l’instant de la fermeture des bureaux de vote, parce que rien n’a jamais laissé entrevoir une possible victoire de Trump dans l’état, et aucun des résultats partiels n’est allé dans ce sens.

    Comparez par exemple avec le Texas. La victoire républicaine n’est en général qu’une formalité dans cet état, et la victoire du candidat républicain est habituellement déclarée instantanément elle aussi. Mais pas cette année. Cette année il y a eu un doute pendant un moment, et la victoire de Trump au Texas n’a été déclarée qu’au bout de plusieurs heures.

    En effet, cette année, en plus de changements démographiques dans certains états, il y a un nouveau facteur qui entre en jeu :

    Le Covid-19 s’invite aux élections

    Comme vous le savez, cette année n’est pas une année normale. Et je ne parle pas du fait que le président sortant est un fasciste entre autres choses peu ragoûtante. Je parle bien entendu de l’épidémie de Covid-19 qui frappe le pays de plein fouet. À cause de celle-ci, la majorité des Américains ayant un peu de bon sens ont décidé de voter par correspondance. Car voyez-vous c’est possible aux États Unis (pourquoi ça ne l’est pas en France, je ne sais pas, c’est dommage, il y aurait moins d’abstention, mais c’est un autre sujet).

    Dans un certain nombre d’états (vous aurez compris depuis un moment que chaque état organise les élections plus ou moins à sa façon – en suivant les mêmes règles de base, mais avec des particularités dans chaque état – pas d’organisation nationale de la chose) cela n’a pas vraiment eu d’influence sur la chronologie de l’annonce des résultats. Essentiellement parce que les votes sont comptés au fur et à mesure de leur réception, ou tous en même temps, mais avant le jour de l’élection, etc.

    Mais dans d’autres états… au hasard la Pennsylvanie… certains gouvernements locaux (tous Républicains, certainement une coïncidence) ont refusé de compter ces votes à l’avance. Et ce malgré le fait que cette année, parce que le Covid-19, il y a des états où plus de gens ont voté par correspondance qu’en personne !

    Et donc si on commence à compter les votes plus tard, ça va prendre plus de temps. Surtout que compter un vote par correspondance prend plus de temps (il faut vérifier les signatures et autres éléments permettant d’indiquer que le bulletin appartient bien à la bonne personne et ce genre de choses).

    Oh et détail important, l’acte même du dépouillement est très différent aux US et en France.

    En France, on ouvre l’enveloppe, on regarde si le petit bulletin qui est dedans est conforme aux règles, on lit le nom dessus, et hop, un vote de plus pour cette personne. On passe au suivant.

    Au US, on vote en même temps, sur le même bulletin, pour le président, mais aussi pour élire son député, parfois son sénateur, son gouverneur, son shérif, parfois un juge, le maire, et toute une série de référendums. De manière générale, on vote pour plus de choses aux US qu’en France, et surtout on vote pour tout en même temps.
    Donc dépouiller un vote peut prendre pas mal de temps, car il faut en fait décompter un grand nombre de votes pour des choses différentes, tout en vérifiant qu’il n’y a pas d’irrégularités pour chaque vote contenu sur la même feuille de papier.

    Et c’est aussi cela qui donne des résultats partiels fluctuants. Surtout cette année, où il est clair que les gens ayant un peu de bon sens ont voté en masse par correspondance ou, tout simplement en avance (ce qui est aussi possible dans certains états), alors que les autres ont voté le jour même par inconscience ou bêtise (je parle de ceux qui avaient le choix, parfois on ne l’a pas).
    Ce qui donne ce que l’on a vu dans le Wisconsin, Michigan, Pennsylvanie ou Géorgie. Les premières estimations voient Trump en tête (essentiellement les votes en personne du jour), et Biden le dépasse rapidement au fur et à mesure que les autres votes (par correspondance ou en avance) sont comptés.

    En Arizona c’est plus flou parce que le vote par correspondance est chose habituelle et utilisé par les électeurs des deux partis.

    Dans le Nevada, si j’ai bien saisi, ils ne sont pas habitués aux élections serrées, et ils n’ont pas les moyens humains (parce que ça coûte de l’argent et le Nevada n’aime pas les impôts ?) un nombre de votes bien plus important que d’habitude.

    Car oui, n’oublions pas que l’abstention cette année est la plus faible depuis près de 100 ans.

    Une dernière chose

    En fait au moment où je tape ces lignes, la messe est dite. Biden a gagné l’élection.
    Toutefois aucun des grand médias nationaux ne l’annonce directement. Aucun ne déclare sa victoire.
    Et de plus en plus de gens se demandent pourquoi.

    Je n’ai pas la réponse, mais je soupçonne deux choses :
    Les résultats n’étant pas encore totalement irréfutables personne n’ose être le premier à potentiellement dire une grosse connerie qui pourrait avoir un drôle d’impact à cause de la situation particulière dans laquelle nous nous trouvons (un président sortant ayant perdu la raison, refusant d’admettre la défaite et prêt à pousser les franges terroristes de ses supporters à attaquer le processus démocratique). Trump veut lancer des procès sans fondements, les médias n’ont pas envie de dire une connerie qui donnerait un fondement aux  avocats de Trump.
    De plus, j’ai comme l’impression que les grand médias se sont mis d’accord pour attendre que ce soit FOX News qui l’annonce. Pour des raisons liées à la nature du président sortant. Mais ceci n’est qu’une préssupposition de ma part. Mais il est intéressant de voir la réaction des annonceurs de chez FOX en ce moment, et leurs mines déconfites.

     

    tl;dr

    Donc voila en gros…

    Compter tous les votes prend du temps parce que :

    • L’estimation du pourcentage total des votes n’a pas d’importance pour déterminer le gagnant (c’est celui-ci qui permet des résultats rapides en France).
    • Certains états sont très serrés, on ne peut pas estimer un gagnant à l’avance et le nombre de Grands Électeurs attribués dépend de l’identité du gagnant, pas du pourcentage de votes.
    • Les bulletins de vote comportent tout un tas d’élections, pas juste un nom sur un bout de papier comme en France.
    • Cette année, le Covid complique les choses en augmentant considérablement le nombre de votes par correspondance qui prennent plus de temps à être dépouillés pour diverses raisons techniques et légales.
    • L’absention est faible, donc bien plus de votes à décompter pour autant de moyens humains.

    J’ai du oublier deux ou trois détails, mais voila l’explication en gros.

     

    Maintenant vous savez presque tout, et si je puis me permettre un avis personnel, tout cela serait bien plus rapide si les États Unis n’étaient pas gangrénés au point que 70 millions d’électeurs veulent d’un fasciste, raciste, gros porc, stupide et fou comme président.

     

    La carte électorale au 6 novembre au soir (heures américaines)

     

     

  • L’Abstention fait-elle le Jeu du Front National ?

    L’Abstention fait-elle le Jeu du Front National ?

    L’abstention fait-elle le jeu du Front National ?

    Depuis avril 2002, cela semble être une évidence pour de nombreuses personnes. On l’entend régulièrement à l’approche de pas mal d’élections, et en ce moment même, c’est un des arguments principaux de ceux qui pensent que refuser de choisir entre lequel des deux fléaux s’abattra sur la France d’ici peu c’est très mal, surtout si on est de gauche.

    Certes.

    Mais voyez-vous, personnellement, j’ai toujours du mal avec des phrases toutes faites, répétées à tout va et considérées comme des évidences par ceux qui les annoncent sur un ton péremptoires aux inconscients que nous sommes. Encore plus quand nos imprécateurs n’arrivent pas ensuite à expliquer le pourquoi du comment de leur sentence, sinon par un « Souviens-toi, 2002 !« 

    Désolé, mais moi, ça me suffit pas.

    Moi, si on me dit un truc comme ça, je veux des faits, des données objectives pour appuyer la chose.

    Et comme on est jamais mieux servi que par soi même, je suis allé les chercher ces données.

    Je vous les ramène ici sous forme d’un certain nombre de graphes.

    Essayons de voir ce qu’ils nous disent.

    Mais avant d’aller plus loin, je me dois quand même de mentionner mes sources – c’est important, les sources.

     

    Méthodologie & Sources

    Donc mes chiffres viennent du Ministère de l’Intérieur pour les élections les plus récentes, et de Wikipedia pour les autres. Oui, je sais, Wikipedia n’est pas toujours fiable pour tout, mais quand il est question de données brutes, elles-mêmes sourcées et vérifiables, il n’y a pas beaucoup d’inquiétudes à avoir. J’ai estimé qu’utiliser un site qui regroupe tous ces chiffres était plus pratique et rapide qu’aller tout chercher à droite et à gauche (dois-je vous rappeler que je fais tout ça bénévolement sur mon temps libre ?) Si cela ne vous convient pas, n’hésitez pas à venir me donner un coup de main.

    Les rares fois où je ne disposais pas de certains chiffres (on parle ici du nombre d’inscrits qui manquait parfois), je les ai calculés à partir des autres données disponibles. Ce nombre est parfois un peu inexact à quelques milliers de personnes près, cela est dû au fait que les pourcentages sont toujours réduits à deux décimales, donc retrouver une valeur absolue à partir de ceux-ci peut mener à quelques approximations. Notez que cela ne concerne que le nombre d’inscrits pour chaque élection. Tous les autres chiffres (nombre de votants, d’abstentions et pourcentages associés) sont les chiffres officiels.

    Je ne suis remonté que jusqu’à 1994, j’aurais pu remonter 10 ans plus en avant, depuis l’émergence du Front National. C’est un choix arbitraire.

    Notez aussi que pour les élections à deux tours, je n’ai pris en compte que les premiers tours (sauf pour les Présidentielles de 2002), le FN n’étant pas toujours représenté sur tout le territoire pour les deuxièmes tours de la plupart des élections.

    Finalement, quand les graphes traitent de valeurs absolues (nombre de personnes et pas pourcentages), j’ai mis de côté les élections cantonales puisque, à chaque scrutin, c’est seulement la moitié de la France qui vote.

    J’ai aussi exclu les élections municipales de cette étude : je ne sais pas si des chiffres nationaux existent, mais ils n’auraient que peu de sens.

     

    Résultats

    Commençons par le plus évident, celui auquel on pense en général en premier : comparer la courbe du pourcentage de votes pour le FN et celle de l’abstention :

     

    Comparaison du vote FN et du taux d'abstention en pourcentages de 1994 à 2017

     

    Mais je vous avoue tout de suite, personnellement, même si ce sont les premiers chiffres auquel on pense en général, je n’aime pas trop analyser des pourcentages, ceux-ci sont très souvent trompeurs. Encore plus dans le cas présent puisque ces pourcentages-ci ne représentent pas les même choses. Le pourcentage du FN représente la proportion de voix pour le Front National parmi les votants exprimés (non blancs, non nuls). Par contre le pourcentage de l’abstention est la proportion du nombre de personnes s’étant abstenues parmi les inscrits. Donc dans la courbe ci-dessus, on ne compare tout simplement pas la même chose.

    Elle n’est toutefois pas totalement à jeter. Elle est un bon rappel que l’abstention n’est pas quelque chose en constante progression comme on l’entend souvent dire (« Les Français ne votent plus ! L’abstention augmente ! »).

    Comme vous le voyez, l’abstention est en dent de scie. Cela est dû à la nature des élections, ou plutôt du rapport qu’ont les Français avec celles-ci : ils votent pour les Présidentielles, se contrefichent des Européennes (et ensuite ils blâment l’Union Européenne pour un peu trop de choses, mais c’est une autre histoire), et sont quelque part entre les deux pour les autres élections.

    C’est regrettable, personnellement, je pense que quelque part les Présidentielles sont presque les élections les moins importantes. Mais voila, la médiatisation et la « starification » des personnalités politiques associées à l’hyper-centralisation du pays fait que les Français se désintéressent souvent des élections qui ont parfois un impact bien plus grand sur leur vie quotidienne que de savoir qui va aller habiter à l’Élysée pendant quelques années.

    Mais revenons à nos moutons.

    Donc, les pourcentages sont pas la meilleure façon d’analyser ces données, passons donc aux chiffres bruts : le nombre exact de personnes ayant voté pour le FN et s’étant abstenues. (rappel : les élections cantonales ne sont alors pas prises en compte car ne concernant pas toute la population)

     

    Comparaison du vote FN et de l'abstention entre 1994 et 2017
    Cette fois, les deux courbes comparent des nombres de personnes, donc on peut les même en parallèle. Nous retrouvons les dents de scie de l’abstention. Nous voyons aussi une certaine augmentation de l’abstention, mais attention, ne pas oublier que la population du pays augmente, le nombre d’inscrits aussi, donc dans ce cas-ci, les pourcentages sont plus parlants.

    Quant au vote FN, il est lui aussi en dents de scie, certes moins prononcées. Et on voit effectivement une certaine progression : depuis 2012, les creux sont aussi importants que les pointes d’il y a 15-20 ans. Augmentation à toutefois prendre avec des pincettes (une fois de plus : population qui augmente, donc nombre de votants augmentant mécaniquement lui aussi).

    Par contre, nous avons là un début de réponse à notre question : est-ce que l’abstention favorise le Front National ?

    Ici, nous voyons que non seulement la réponse est clairement « non », mais c’est même le contraire : quand l’abstention baisse, le nombre de votants FN augmente. Et réciproquement : quand l’abstention augmente, le nombre de votants FN baisse.

    Depuis quelques jours, je vois une nouvelle expression envahir les réseaux sociaux (à croire qu’une ou plusieurs personnalités influentes y soient pour quelque chose, voire se seraient données le mot) : « abstention différenciée » (ou « abstention différentielle« ) qui dit en gros que les votants FN sont très motivés et ne s’abstiennent pas. Ceux s’abstenant seraient d’autres bords politiques. Et ce serait l’explication au fameux « L’abstention fait le jeu du Front National ! »

    Cela m’a toujours semblé bizarre. Qu’un petit groupe de nazillons soient très motivés, ça je le conçois. Mais, aujourd’hui, ils ne forment plus qu’une minorité de l’électorat FN. Le gros des électeurs FN, ce sont des gens en général plutôt pauvres et plutôt peu éduqués et qui se laissent séduire par les sirènes du Front National, quand le reste de la droite ne s’est jamais trop intéressée à eux et que la gauche les a perdus pour tout un tas de raisons que nous n’avons pas le temps de détailler ici. Pourquoi ces gens, plutôt désabusés seraient-ils plus motivés qu’une classe bourgeoise qui entend bien garder sa position dominante dans la société et y préserver ses intérêts ? Plus motivés que les militants de gauche qui sont de toutes les manifs et de toutes les contestations ? Plus motivés que les classes moyennes supérieures qui comptent bien préserver leur illusion que la France est un havre de paix, libre, égal et fraternel ? (OK, ces derniers, oui, je pense que c’est possible)

    Bref pourquoi seraient-ils plus motivés pour aller aux urnes que les autres Français ?

    Aucune raison particulière.

    C’est d’ailleurs aussi mon expérience personnelle. Comme beaucoup de monde, il y a parmi les membres de ma famille étendue un certain nombre de sympathisants FN. J’évite de trop parler de politique avec eux, mais ils ne se gênent pas souvent pour le faire avec moi ou avec quiconque passant à leur portée. Bien souvent leur discours c’est soit « Je vais voter Le Pen » soit « Je vais aller à la pêche, je vais pas perdre mon dimanche à aller mettre un bout de papier pour ces cons. Tous pourris ! Qu’est-ce que ça va changer que ce soit l’un ou l’autre de toutes façons !? »

    Bref, j’ai souvent l’impression qu’ils s’abstiennent même plus souvent que les autres.

    Sauf dans un cas.

    Pour revenir à notre graphe, nous voyons que quand l’abstention baisse drastiquement, le vote FN monte à chaque fois.

    Quelle pourraient en être la cause ?

    Il suffit de regarder de quelles élections il s’agit. C’est simple, comme mentionné plus haut, les élections avec un faible taux abstention sont les élections présidentielles. Elles sont aussi les élections où le FN fait les plus gros scores habituellement (mais les choses changent, voir les dernières Européennes : accident de parcours ou nouvelle tendance ? Nous verrons dans quelques années).

    Pourquoi ?

    Personnellement, je pense que c’est à cause de l’hyper-personnalisation de ces élections. Pour toutes les autres élections, on vote quand même plutôt pour un parti, aux Présidentielles, le parti est presque secondaire, on vote surtout pour un individu.

    Et c’est là qu’est la clé de la chose je pense. Ce qui attire certains électeurs ce n’est pas tant le Front National (d’où de faibles scores la plupart du temps) mais la marque Le Pen.

    Malgré tous ses défauts, le père était très charismatique, même si c’est le charisme que peut avoir un gros porc bruyant et sale foutant le bordel dans une cocktail party huppée. Parmi toutes ses techniques empruntées aux partis totalitaires, celle du culte du chef n’est pas la moindre. C’est pas non plus un hasard si c’est sa fille qui lui a succédé. Même si elle a un certain talent à arriver à se faire passer pour respectable ce n’est pas ça qui l’a aidée à monter les échelons du pouvoir interne du FN. Elle y a surtout réussi grâce à son nom de famille et les appuis qu’il lui a apportés. Et c’est encore le cas aujourd’hui. On ne le saura jamais, mais si Jean-Marie Le Pen avait été remplacé par quelqu’un d’autre, je suis persuadé que le FN serait rapidement redevenu un parti mineur.

    Oui, je pense vraiment que le culte du chef joue un très grand rôle dans les succès du FN aux Présidentielles, mais avant de jeter la pierre, je pense aussi que c’est le culte du chef qui fait que les Présidentielles sont les élections qui ont le moins d’abstention, ou que tout le monde pousse des cris d’orfraie quand un candidat majeur refuse de s’adonner à l’exercice douteux des consignes de vote. Non, le culte du chef n’est pas l’apanage de l’extrême-droite, c’est plutôt même un des moteurs principaux de l’élection présidentielle.

     

    Ce qui nous amène au graphe suivant.

    Puisque les Présidentielles sont une anomalie dans le paysage électoral français, concentrons-nous sur celles-ci.

    Voici donc le nombre de voix reçues par les Le Pen depuis 1995 (j’aurais pu inclure 1988, mais je ne suis simplement pas remonté jusque là, je ne pense pas que cela aurait changé grand-chose) :

     

    Votes FN et abstention pour les élections présidentielles entre 1995 et 2017

     

     

    Là, deux choses sautent aux yeux. La première c’est qu’il semble effectivement y avoir une corrélation entre l’abstention et le vote FN. Toutefois, cette corrélation semble débuter à partir deuxième tour des élections de 2002.

    Cela m’interpelle un petit peu. Voyez-vous cette rengaine « L’abstention fait le jeu du FN » est devenue populaire au lendemain du premier tour des élections de 2002.
    Or, lors de cette élection-là, où l’abstention avait été très forte, le score du FN n’était pas si élevé que ça. Le nombre de votes supplémentaires par rapport à l’élection de 1995 est presque négligeable.
    Il est établi aujourd’hui par quiconque s’est penché sérieusement sur la question que la qualification de Le Pen au second tour n’est pas due à ni une quelconque poussée du FN, ni à l’abstention, mais bel et bien à la démultiplication des candidats de gauche qui a fait éclater l’électorat. Il n’y a que 200 000 voix d’écart entre Le Pen et Jospin. Si Christiane Taubira ne s’était pas présentée, Jospin était qualifié. Si Chevènement ne s’était pas présenté, même avec Taubira candidate, non seulement Jospin se qualifiait pour le second tour, mais il passait même devant Chirac.

    Pourtant, c’est bien au lendemain de cette élection que l’abstention – et donc les abstentionnistes – se sont soudain retrouvés accusés de la qualification de Le Pen au second tour. Quelle est la source de cette grossière erreur ? Honnêtement, je ne le sais pas. Je n’étais pas en France à ce moment-là. L’internet français commençait tout juste à vraiment se démocratiser. Les réseaux sociaux n’existaient pas encore. Mes sources quant à savoir ce qu’il se passait en France étaient assez limitées à ce que m’en disaient mes proches, les rares forums que je fréquentais, ainsi que quelques sites des grands journaux, en gros.

    Et l’ironie de la chose, c’est que, pour le deuxième tour, l’abstention a baissé et le nombre de votants pour Le Pen a augmenté. Y a-t-il rapport de cause à effet ? Difficile à dire, mais je pense que non, que cette progression de Le Pen entre les deux tours est due au report de voix de Mégret.

    Par contre, depuis 2002, point de doutes, les deux courbes se suivent en parallèle. Attention toutefois, corrélation ne veut pas forcément dire causation –  c’est même pour cela qu’analyser des données est un exercice difficile. Quoiqu’il en soit, s’il y a eu une baisse des deux en 2007, les deux montent de manière régulière depuis.

    Je me trompe peut-être, mais je pense que l’on peut expliquer la baisse de 2007 ainsi : Sarkozy ayant largement ratissé sur les terres et thèmes du FN, il a réussi à récolter un certain nombre de ses voix d’un côté. Et de l’autre, le battage médiatique fait contre l’abstention depuis 2002 a porté ses fruits pour les élections de 2007.

    Mais depuis, les deux remontent régulièrement (si on se limite aux présidentielles, si on suit la courbe de toutes les élections, c’est une autre histoire, cf plus haut). Toutefois, j’ai du mal à voir comment la monter de l’un puisse entraîner la montée de l’autre.

    Je sais que dans ce déjà trop long texte je veux à tout prix essayer d’éviter les suppositions et autres conjectures mais je vais devoir ici m’avouer vaincu et me laisser aller à certaines.

    Première supposition : Je ne pense pas que l’une cause l’autre, mais je pense que les deux ont la même cause. En gros, un dégoût de la politique telle qu’elle se fait depuis longtemps et de plus en plus. Celle qui fait dire à certains « Tous pourris ! » Celle qui fait que d’autres vont se jeter sur n’importe quel candidat estampillé « nouveau » quelles que soient les choses qui se cachent derrière ce candidat (oui, je fais allusion à Macron). Celle qui fait qu’on puisse se dire que voter ne sert plus à rien. Celle qui fait qu’on est prêt à écouter n’importe quelle personne prétendant s’adresser à vous, elle au moins, contrairement aux autres, même si elle s’appelle Marine Le Pen et qu’on est issu d’un milieu ouvrier, traditionnellement ancré à gauche, et que jamais on se serait cru voter pour elle un jour.

    Si on rajoute les politiques menées ces dernières années toujours plus inspirées de l’extrême-droite (de Sarkozy à Valls), là aussi, ne plus vouloir voter, ou vouloir préférer l’original à ces opportunistes est compréhensible.

    Donc personnellement (je me réserve le droit de me tromper), je ne pense pas qu’il y ait lien de cause à effet entre abstention et vote Le Pen, mais que l’augmentation ou la baisse des deux lors des élections présidentielles  à la même cause : une certaine oligarchie toujours plus puissante, toujours au détriment des classes économiquement inférieures de la population.

    Deuxième supposition, peut-être un peu alambiquée : nous avons vu que cette corrélation apparaît après le premier tour de 2002, donc après toutes ces attaques parfois assez violentes contre les abstentionnistes (un peu comme en ce moment quoi). Le Français est parfois tête de lard et a très souvent l’esprit de contradiction. Et si certains hésitant entre voter et s’abstenir, lors d’élections présidentielles, décidaient finalement de s’abstenir, essentiellement agacés par tous les donneurs de leçons lui disant que s’abstenir c’était très mal, presque plus mal que de voter Le Pen (vu comment ils se font plus attaquer que les électeurs de Le Pen, il y a de quoi se poser la question). Et si « l’abstention fait monter le FN ! » était en fait une prophétie auto-réalisatrice ?

    Je n’ose le croire et pourtant…

     

     

    Je vais bientôt terminer cette analyse qui est déjà bien trop longue avec quelques graphes de plus, qui pourraient être instructifs (sur notre sujet ou un autre)… ou pas…

     

    Nombre de votants, voix FN et abstention entre 1994 et 2017

    Celui-là résume un peu le tout : en noir l’évolution du nombre de personnes votant FN depuis 1994, en  bleu-ciel, le nombre de gens votant pour quelqu’un d’autre et en rouge le nombre d’inscrits ne votant pas.

    Ce graphe n’est pas indicateur de grand-chose sinon d’une chose. L’abstention différenciée invoquée plus haut sembler exister à un niveau et un seul : l’électorat FN se déplace aux urnes de manière relativement régulière quelle que soit l’élection, les autres électeurs s’intéressent surtout aux présidentielles. Donc si on compare une élection non-présidentielle avec une élection présidentielle dans leurs successions, oui, on peut peut-être parler d’abstention différenciée. Mais nous avons déjà vu qu’il valait mieux traiter le cas des présidentielles un peu à part.

     

    Le graphe suivant découpe l’électorat entre pourcentage des inscrits qui votent FN (noir), qui s’abstiennent (rouge) et qui vote pour quelqu’un d’autre (bleu dégradé).

     

     

     

    Bon, pas trop grand chose à tirer de ce graphe qui n’a déjà été dit. Il s’agit juste d’un graphe plus satisfaisant que le tout premier de ce post, puisqu’ici tous les pourcentages (vote FN et abstention) sont exprimés en pourcentages d’inscrits. Nous y voyons ce que nous avions déjà vu : quand l’abstention baisse, le pourcentage de gens votant FN augmente.

     

    Pour le prochain graphe, nous restons dans les pourcentages d’électeurs inscrits mais en nous concentrant sur les Présidentielles :

    Votes FN et abstention en pourcentages d'inscrits pour les élections présidentielles

     

    Celui-ci, c’est un peu le même, mais avec un nombre d’électeurs :

    Nombre de votes FN et abstention pour les élections présidentielles entre 1995 et 2017

     

    Ces deux derniers graphes reprennent plus ou moins les informations de notre troisième courbe, sauf qu’ils la modèrent un peu. Certes, il y a augmentation et du vote FN et de l’abstention pour les Présidentielles depuis 2007, mais cette progression n’est pas si forte que ça finalement, et l’abstention progresse plus que le Front National. Donc la relation de cause a effet n’est pas du tout prouvée.

     

    En Conclusion

    Nous y arrivons enfin.

    Qu’avons-nous appris ?

    Que de manière générale, une forte abstention ne cause pas une augmentation du vote du Front National. C’est même en fait le contraire qu’il se passe en général et à l’exception des élections présidentielles.

    Pour celles-ci, depuis 2007, mais depuis 2007 seulement (et donc pas en 2002, il faut le souligner encore et encore), il y a une certaine augmentation, et de l’abstention, et du vote FN, mais le lien entre les deux semble plutôt être une cause commune aux deux phénomènes, surtout que l’abstention augmente plus vite que le vote FN.

    Voila, si tout cela vous a intéressé, la meilleure façon de montrer votre reconnaissance c’est de partager ce post autour de vous.

    Si vous trouvez des erreurs, soit dans mes graphes, soit dans mes raisonnements, n’hésitez pas à les signaler et je corrigerai (ou pas, si c’est vous qui vous trompez).

    Si vous souhaitez utiliser certains de ces graphes sur votre propre site, n’hésitez pas, mais à condition de nommer votre source (le site www.swamp.fr donc avec un lien vers ce post-ci – pas la homepage du site). Merci d’avance.

     

     

  • Remué, pas Secoué !

    Remué, pas Secoué !

     

    Si je sors de mon lit aujourd’hui, c’est pour rectifier un des plus gros malentendus de l’histoire de la mixologie, de la littérature d’espionnage et du cinéma populaire.
    Je veux parler de l’embarrassant James Bond.

    Ian FlemingVoyez-vous, quand Ian Fleming écrivit la tristement célèbre ligne « shaken, not stirred » (« secoué, pas remué » pour les réfractaires à l’anglais parmi vous) dans Diamonds are Forever, il voulait souligner que sa création était tatillonne sur la façon dont ses boissons lui étaient préparées et servies. Une façon comme une autre de caractériser son personnage comme étant un connoisseur. Sauf que Fleming fait là un faux-pas majeur. Certains disent que c’est parce que bien que grand buveur, il est justement loin d’être lui-même connoisseur, d’autres disent que justement c’était un indice pour indiquer que James Bond lui-même était un rustre qui essayait de se faire passer pour quelqu’un de distingué. Quoiqu’il en soit, l’un des deux, avait très mauvais goût en matière de mixologie (comme l’atteste aussi cette grossièreté de Vesper dans Casino Royale).

    L’incident aurait pu s’arrêter là, mais tout s’est aggravé quand il fut question d’adapter les aventures de l’agent secret au cinéma. Les producteurs – certainement complètement ignares en matière de mixologie eux aussi – reprirent l’expression au point d’en faire le gimmick qu’elle est devenue aujourd’hui. Malheureusement, le grand public s’amouracha de l’expression et pensa que tout homme distingué se devait de boire ses martinis secoués et pas tournés, il crut même que c’était ça la super classe.

    Et voilà, le mal était fait…

    Des générations de fans de l’espion au service de sa Majesté allaient commander une telle erreur de bon goût et pire, des barmans connaissant bien mal leur métier allaient les leur préparer au lieu de les remettre dans le droit chemin, comme toute personne avec un minimum de déontologie se devrait de faire.

    Où est le problème ?

    Me demandera toute personne peu au fait de la chose.

    C’est pourtant simple. Vous voulez que votre martini soit aussi raffiné que possible. Vous voudrez aussi qu’il soit aussi froid que possible, et l’usage des glaçons sera nécessaire pour cela.

    Sauf que… Que va-t-il se passer si vous secouez votre mélange gin + vermouth + glaçons ?

    Les glaçons vont se briser et fondre rapidement et ce qui sera servi dans votre verre sera un mélange gin + vermouth + eau. Votre mixture sera donc totalement noyée et imbuvable.
    Alors que si vous remuez le mélange, celui-ci sera refroidi de manière satisfaisante, la fonte des glaçons sera minimale et ceux-ci ne dilueront pas votre cocktail, surtout que vous passerez ensuite le mélange gin + vermouth dans le verre à martini, en laissant les glaçons dans le verre à mélange.

    Si vous avez encore des doutes, je ne peux que vous suggérer d’essayer les deux et de comparer.

    Pour être complet, on notera aussi que l’usage du shaker sera tolérable pour donner plus de texture au dirty martini, mais uniquement si vous savez exactement ce que vous faites.
    Pour la version extra-dry du cocktail, la question ne se pose bien sûr pas.

    Bien entendu, après tout cela, je serais malotru si je vous quittais sans vous donner les recettes des divers martinis.

    Pour toutes ces recettes, notez que :

    – Le verre à martini sera préalablement rempli de glaçons et d’un peu d’eau pour le refroidir pendant la préparation. Ce mélange eau+glace sera bien entendu jeté avant que le verre ne soit rempli par le cocktail lui-même.

    – Qu’il soit frappé ou remué, cela sera bien entendu effectué avec des glaçons.

    – Pour rappel, « passer » signifie « servir le cocktail dans le verre à travers une passoire à cocktail » pour que la glace reste dans le shaker ou le verre à mélange.

     

    Martini

     

    Dry Martini
    5cl de gin (ou de vodka).
    1cl de vermouth dry.
    Remuez rapidement de haut en bas dans un verre à mélange avec des glaçons.
    Passez dans un verre à martini.
    Ajoutez deux olives dénoyautées et bien égouttées (et sans rien à l’intérieur !) ou un zeste de citron (préalablement légèrement frotté et pressé sur l’intérieur du verre).

     

    Pour un Basic Martini, on mettra plutôt 2cl de Vermouth.
    On notera toutefois que de nos jours, les martinis se préparent de plus en plus dry, et que l’on peut aller jusqu’à 9/10e de gin ou vodka pour 1/10e de vermouth dry.
    Mais pour un véritable Extra Dry Martini, la recette suivante sera préférée :

     

    Extra Dry Martini
    Lavez des glaçons dans un verre à mélange avec du vermouth dry.Jetez le vermouth (mais gardez les glaçons bien entendu).
    Versez 6cl de gin (ou de vodka) dans le verre à mélange.
    Remuez rapidement de haut en bas.
    Passez dans un verre à martini.
    Ajoutez deux olives ou un zeste de citron.

     

    Dirty Martini
    1 mesure de vodka.
    1/4 mesure de vermouth dry.
    1/2 mesure de saumure d’olive.
    Frappez au shaker (très brièvement donc).
    Passez dans un verre à martini.
    Ajoutez deux olives dénoyautées (et sans rien à l’intérieur !)

     

    Sur ce, je vous laisse, ça m’a donné soif ces histoires.

     

    Sources:
    – Mister ID & Djigen qui m’ont appris tout ce que je sais de l’art de la mixologie.
    – Harry McElhone – « Harry’s ABC of Mixing Cocktails »

     

  • Un alien ?

    Un alien ?

     

    alien - chrysalide de scarabee rhinoceros japonais

     

    Meuh non, c’est pas un extra-terrestre, c’est une chrysalide de scarabée rhinocéros japonais mâle.

    Ouais… Après l’absence de larves l’an dernier j’ai vraiment raté mon coup (ah oui, je vous ai jamais raconté. La femelle récupérée n’a pondu qu’un œuf qui n’a pas éclos!), je me demandais si j’allais avoir des scarabées cet été, et puis l’autre jour, j’ai craqué, j’ai acheté trois larves. Enfin, plutôt deux larves et cette chrysalide. En fait, ça m’inquiète un peu qu’elle n’était pas enterrée comme elle devrait l’être normalement, mais bon, à ce prix (200 yens), je me suis dit que ce serait une expérience intéressante de voir son évolution, si évolution il y a, et que ce ne serait pas bien grave si elle n’arrivait pas à l’âge adulte.

    Donc on verra d’ici peu.

    Quant aux deux autres larves, elles se sont enterrées et je les suppose, elles aussi à l’état de chrysalide là tout de suite.

     

     

  • Colonne Vertébrale de Serpent

    Colonne Vertébrale de Serpent

     

    Et je continue sur ma lancée en ce qui concerne les morceaux étranges d’animaux inhabituels. Après les restes d’exuvie de scarabée, voici que je vous présente une colonne vertébrale de serpent (probablement une couleuvre) :

     

    Colonne verterbrale de serpent

     

     

     

  • La Double Nationalité, qu’est-ce que c’est ?

    La Double Nationalité, qu’est-ce que c’est ?

     

    Bon sang !
    Je le sais pourtant qu’il ne faut pas lire les commentaires sur les sites d’infos, et encore moins prendre part aux « discussions ».

    Je n’ai pas d’autre excuse que : « je me suis fait prendre par surprise ». Déjà, c’était pas un site d’info, c’était sur Google+, et puis c’était un post de Libé. Je pensais que j’étais en terrain sûr. Si on cumule Google+ et Libé (même si je ne suis pas trop fan du journal) on se dit que nos interlocuteurs ne vont pas être trop bas du front.

    Et pourtant même là.

    Double nationalité France Algérie
    Le choix de cette image pour illustrer cet article est bien entendu complètement anodin.

    Le post en question était à propos de la dernière éructation en date (au moment où j’écris ces lignes, il y en aura d’autres) de la grosse conne bleue marine concernant sa phobie de la double nationalité.

    Une femme commente alors : « Je n’ai jamais trop compris le pourquoi de cette double nationalité, donc, que ça disparaisse, ma foi…. »
    N’imaginant pas une seconde que l’on puisse sincèrement ne pas comprendre le pourquoi d’avoir une double-nationalité, je pense à un troll. Je l’allume un peu, elle se vexe. Oups, ce n’était pas un troll.

    La discussion continue un peu, je lui parle de multiculturalisme, de la dimension légale de la chose, tout ça. J’essaie aussi comprendre ce qu’elle ne comprend pas. Elle me répond ceci (je vous laisse les divers fautes d’orthographe et de grammaire):

    C’est justement ça que je ne comprends pas : double nationalité !!!
    on né dans un pays, on est de ce pays
    on doit déménager et vivre ailleurs, soit on reste du pays d’origine et donc un « étranger » ou « résident travailleur » (je ne sais plus le terme), soit on change et on prend celle où on bosse. La 1ère reste une « origine ».
    Tu dis « À ne pas être considéré comme un étranger dans son propre pays » , mais dans ce cas, c’est quoi « son propre pays » ?
    Un mec (et/ou avec sa famille) vient en France pour bosser, sa famille est là, à l’école, etc. Pourquoi ne pas demander la nationalité française?
    Double nationalité me fait penser à une « résidence secondaire ».
    Dans quel cas tu as la double nationalité? Et jusqu’à quelle génération ? »
    Enfin, non, je ne comprends pas !

    Puis ceci:

    et « multiculturalisme » n’est pas une RAISON à la double nationalité, c’est, déjà, si tu le veux, et ensuite, c’est une CONSÉQUENCE à une vie dans un autre pays .
    Je pars en Italie, déménage, parle, travaille, ai une vie de famille en Italie, je demande à devenir italienne, et ma culture s’enrichira de celle italienne et mes enfants seront riches naturellement de ces 2 origines.
    Ce n’est pas en ayant 2 nationalités qu’on veut devenir multiculturel »

    Je ne sais pas pourquoi – drôle d’idée, je sais – j’ai pensé que si je lui répondais en détails, peut-être apprendrait-elle un truc ou deux. Alors j’ai passé de longues minutes à essayer de tout bien expliquer comme il faut.
    Sa réponse fut en gros « tu m’énerves, de toutes façons, je n’ai lu que le premier paragraphe »

    Ça m’apprendra à essayer de rendre les cons moins cons.

     

    Mais, comme je la trouvais quand même vaguement instructive ma réponse, et qu’il y a peut-être des gens un peu plus ouverts d’esprit qu’elle (en a-t-elle même un ?) il serait dommage qu’elle disparaisse au milieu de tout un tas de commentaires dont la plupart était stupides voire nauséabonds.

    Et comme je suis en train d’essayer de réanimer ce blog depuis un moment (avec même des collaborateurs, s’ils ne me font pas faux bond), pourquoi pas faire d’une pierre deux coups et reposter ma réponse ici ?

    Dont acte:

    La double nationalité, pourquoi ?

    Bon, je vais essayer d’expliquer, mais j’avoue que ça ne va pas être facile : ça me semble tellement évident et ça me semble tellement étrange que quelqu’un se pose la question, que c’est quelque chose que je n’ai jamais verbalisé auparavant, donc je n’ai pas de réponse toute faite et bien rodée à la question, je suis ici sans filet.

    Déjà, n’oublions pas que la « nationalité » c’est pas une chose, mais bien deux. Deux choses qui sont souvent amalgamées, soit par ignorance, soit par mauvaise foi, soit à dessein, soit par mauvaises intentions selon les cas.

    La nationalité, c’est un sentiment d’appartenance à un peuple, à une nation. Cela s’exprime de plusieurs manières selon les peuples, les nations, les époques et les individus. C’est dans ce sentiment que certains politiques puisent pour manipuler les gens de manières diverses et variées (les politiques américains pour justifier leur impérialisme et leurs politiques étrangères, la droite et l’extrême-droite françaises – il est de plus en plus difficile de les distinguer, je l’avoue – pour attiser les haines dans le pays, trouver des boucs émissaires, tout cela pour gagner plus de pouvoir, et tant pis si cela peut avoir des conséquences catastrophiques pour le pays et surtout ses citoyens). C’est aussi dans ce sentiment que l’on trouve sa culture, son identité, non en tant qu’individu, mais en tant que membre d’un groupe auquel on appartient (car l’homme reste un animal grégaire et tout cela en est la conséquence).

    La nationalité, c’est aussi un ensemble de lois. Avoir une nationalité donnée c’est aussi disposer de certains droits et devoirs sur certains territoires géographiques.

    Prenons votre exemple de l’Italie (même si ce n’est pas le meilleur exemple, vu que la situation avec les pays de l’UE est un peu spéciale) :

    Si vous partez vivre en Italie et y faites votre vie de manière plus ou moins définitive, peut-être souhaiterez-vous tôt ou tard acquérir la nationalité italienne. C’est tout à fait normal. Mais ne voudriez-vous pas non plus garder la nationalité française ? Très probablement que oui. Que ce soit pour des raisons de cœur (attachement à la mère patrie, ce genre de choses) ou des raisons plus pratiques : liberté d’aller et de venir d’un pays à l’autre sans restriction légale, visa ou autre. Chose sans importance pour citoyens des pays membres de l’Union Européenne – c’est pour cela que l’exemple de l’Italie n’est pas le meilleur exemple – mais qui en revêt une toute autre d’importance entre deux pays qui n’ont pas d’accords spéciaux, ou bien deux pays qui ne sont pas forcément en très bons termes.

    Et que se passerait-il si un jour vous deviez quitter l’Italie pour quelle que raison que ce soit (raison familiale qui vous pousse à vous réinstaller brusquement en France, guerre entre la France et l’Italie qui éclate, ou tout simplement raisons économiques) ? Si à ce moment-là vous n’êtes plus française, si vous êtes seulement italienne, vous vous retrouverez étrangère dans votre propre pays.

    C’est ça avoir la double nationalité. C’est ça ne pas être étranger à son propre pays, ou à ses propres pays. Et la naturalisation est l’ une des façons de l’acquérir.

    L’autre façon, c’est justement le multiculturalisme.

    S’installer dans un pays autre et y faire sa vie vous rendra vaguement multiculturel, mais votre culture profonde restera celle du pays où vous avez grandi.
    Car attention, quand je parle de multiculturalisme plus haut, vous le comprenez dans le sens inverse. Le multiculturalisme n’est pas une conséquence de la double nationalité, mais bien le contraire. Le multiculturalisme est bien souvent à la source de la double nationalité.

    Continuons avec l’exemple de votre nouvelle vie hypothétique en Italie. Que vous soyez naturalisée italienne ou non, peut-être y aurez-vous des enfants. Peut-être que leur père sera même italien, de fait, ils seront biculturels à un degré ou à un autre.  Et même s’ils sont nés en France de père français, s’installer en Italie à un jeune âge les rendra biculturels bien plus que vous ne le serez jamais.
    Quid de leur nationalité ? Italienne ? Française ? Les deux ? Une fois de plus, s’il est possible d’avoir les deux, cela me semble être le choix le plus logique.

    Voila, j’espère que cela est un peu plus clair pour vous.

    Au cas où j’ai oublié des éléments dans mon laïus, je réponds aussi à vos questions point par point :

    Quand vous demandez « c’est quoi son propre pays » le fait est qu’il y a pratiquement autant de réponses qu’il y a de gens. Les choses ne sont pas aussi simples que l’on veut vous faire croire.
    C’est quoi votre pays après 20 ans dans un pays autre que celui où on a grandi ? C’est quoi votre pays quand vous avez changé plusieurs fois de pays de résidence au cours de votre vie ? C’est quoi votre pays quand vos parents sont d’origines différentes l’un de l’autre ? etc.

    « Pourquoi ne pas demandez la nationalité française ? »
    Ben, justement, les gens ayant double nationalité en France, c’est bien souvent parce qu’ils sont nés ailleurs, se sont installés en France et et ont demandé la nationalité française. Doivent-ils pour autant renoncer à leurs origines, à leur culture, à leur premier pays, surtout quand leur famille vit encore là-bas ? Je reprends ce que je disais plus haut : abandonneriez-vous la France, votre famille restée sur place et tout le reste si vous partiez vous installer définitivement en Italie ?

    « Dans quel cas a-t-on la double-nationalité ? »
    Il existe presque autant de cas que de pays. Chaque pays a (ou n’a pas) d’accord particuliers et de lois particulières concernant la chose. Certains pays l’acceptent, d’autres non, d’autres s’en fichent, etc. Si vous voulez plus de détails, vous pouvez en trouver sur le site officiel de l’Administration Française.

    « Jusqu’à quelle génération? »
    Les naturalisations et nationalités sont attribuées à des individus, non à des familles, donc le cas de chaque personne est étudié individuellement, on n’a pas – en général – de double-nationalité de génération en génération, avec toutefois quelques exceptions : si vos deux parents sont de même double-nationalité, il se peut que vous puissiez en disposer vous aussi, mais là aussi, cela variera d’un pays à l’autre.

    En espérant que tout cela vous a un peu mieux aidé à comprendre et je terminerai en reprenant ceci : n’oubliez pas que ce n’est pas en ayant la double nationalité que l’on devient multiculturel, mais bien parce que l’on est multiculturel que l’on peut souhaiter avoir une double nationalité.

    La double nationalité est au final quelque chose d’à la fois très personnel et dépendant des lois d’un ou plusieurs pays, mais surtout la double nationalité de quelqu’un n’a aucune influence sur la mono nationalité d’un autre, et vouloir instrumentaliser la chose comme certains le font (suivez mon regard) ne sert qu’à créer des problèmes là où il n’y a pas de raison qu’il y en ait, à créer des boucs émissaires et à monter les gens les uns contre les autres (pour ensuite profiter de ces inimitiés créées de toutes pièces et tant pis si cela provoque des drames ou pire).

     

     

  • Théine vs Caféine, le Grand Débat… qui fait pschiiit…

    Théine vs Caféine, le Grand Débat… qui fait pschiiit…

     

    Je voudrais vous parler d’un truc qui m’agace (parmi tant d’autres). Il s’agit des mythes contemporains et autre contre-vérités ayant la vie dure.

    Aujourd’hui : la théine !

    La théine, c’est simple, ça n’existe pas.
    Répétez après moi : « La théine, ça n’existe pas« .
    Allez encore une fois : « La théine, ça n’existe pas ».
    Voila.

    N’ayez crainte, loin de moi l’idée que vous me croyiez sur parole, je vais bien sûr vous expliquer le pourquoi du comment de la chose.

    Oui, c’est vrai, le thé contient bien un psychoanaleptique qui, comme son nom l’indique, a pour effet de donner un léger coup de fouet à son consommateur, un peu comme peut le faire café.

    Un peu comme le café… Hum… Drôle de coïncidence…

    Drôle de coïncidence, effectivement, puisque dans les deux cas, il s’agit d’une seule et même drogue : la caféine.

    Bon je l’avoue, quelques lignes plus haut je mentais, la théine ça existe, c’est juste de la caféine appelée par un autre nom. Un autre nom qui a poussé un nombre incalculable de personnes mal informées (voire parfois mal intentionnées) à propager l’idée qu’il s’agirait de deux choses différentes.

    Pour la petite histoire, la caféine fut découverte en 1819, la théine en 1827, et c’est en 1838 qu’on a compris qu’il ne s’agissait en fait que d’une seule et même substance.

    1838 ! Cela fait 173 ans qu’on sait que caféine et théine ne sont qu’une seule et même chose et pourtant il y en a encore qui ne l’ont pas compris. Quand je vous parlais de mythes ayant la vie dure plus haut… Remarque, il y en a bien qui ne comprennent toujours pas ce qu’est l’évolution, alors pourquoi pas…

    Et au passage, ce ne sont pas les deux seuls et uniques noms de cet alcaloïde, il en existe pas mal d’autres (guaranine et d’autres), d’ailleurs si on veut l’appeler par son « vrai » nom, il faudra l’appeler 1,3,7-triméthyl-1H-purine-2,6(3H,7H)-dione. Je vous le concède, pas évident à se rappeler. On peut à la limite le simplifier par 1,3,7-triméthylxanthine, méthylthéobromine ou bien méthylthéophylline.

    Bref, appelez-la comme vous voulez, la caféine se retrouve dans un certain nombre de plantes : le caféier, le cacaoyer, le théier, la yerba maté, le guarana pour ne citer que les plus connus. Sa formule chimique est C8H10N4O2 et ça ressemble à peu près à ça :

    (pour ceux qui n’ont jamais joué au Petit Chimiste dans leur enfance, sachez qu’en gris ce sont les atomes de carbone, en rouge ceux d’oxygène, en bleu ceux d’azote et en blanc, ceux d’hydrogène)

    Dans ces plantes, la caféine fait plus ou moins office de pesticide naturel, et comme nous le savons tous, les humains en raffolent pour de toutes autres raisons.

    Bien entendu, la teneur en caféine varie énormément d’une plante à l’autre. Voici quelques chiffres à titre indicatif (exprimés en pourcentage de caféine) :

    • Graine d’Arabica 1,1%
    • Graine de Robusta 2,2%
    • Fève de Cacao 0,1 à 0,4%
    • Graine de Guarana 2 à 4,5%
    • Feuille de Thé 2,5 à 5%

    Et là, je sais ce que le lecteur se dit :

    Ouhla, mais elle est super élevée la teneur en caféine du thé, c’est bizarre ça, le thé c’est moins fort que le café ! C’est n’importe quoi ces chiffres ».

    Laissez-moi finir je vous prie, si vous ne m’interrompiez pas de la sorte, vous comprendriez plus vite.

    Ça, ce sont les teneurs dans les plantes en elles-même, c’est-à-dire la quantité de caféine que vous absorberiez si vous avaliez la graine, fève ou feuille entière et fraîchement cueillie. Mais à ma connaissance, ce n’est pas ainsi que vous consommez ces plantes. Et n’oubliez pas non plus qu’il s’agit de teneurs exprimées en pourcentages, pas en valeurs absolues.

    Voici donc les quantités de caféine (exprimées cette fois-ci en milligrammes) que vous trouverez dans divers produits de consommation :

    • Barre de chocolat noir (43 g) 31 mg
    • Barre de chocolat au lait (43 g) 10 mg
    • Tasse de chocolat chaud (20 cl) 52 mg (environ 250 mg/l)
    • Tasse de café moulu (20 cl) 80 à 135 mg (400 à 675 mg/l)
    • Tasse de café filtre (20 cl) 115 à 175 mg (575 à 875 mg/l)
    • Expresso (44 à 60 ml) 100 mg (1660 à 2270 mg/l)
    • Tasse de déca (20 cl) 5 mg (25 mg/l)
    • Tasse de thé noir (20 cl) 56 mg (280 mg/l)
    • Tasse de thé vert (20cl) 34 mg (170 mg/l)
    • Canette de Coca-Cola (35cl) 34 mg (96 mg/l)
    • Canette de Red Bull (25cl) 80 mg (320 mg/l)

    Donc vous voyez, même si le thé contient plus de caféine que le café dans la nature, ce n’est plus le cas dans votre tasse (les deux plantes étant passées par divers procédés entre-temps : torréfaction et ce genre de choses).
    Et là, on va me rétorquer :

    Oui, mais quand même, l’effet que le thé a sur moi est bien différent de l’effet que peuvent avoir le café, le coca et le reste. »

    Certes, mais je ne vous apprendrai rien en vous dévoilant que le café, le thé et le reste, ce n’est pas seulement de l’eau et de la caféine. Il y a un certain nombre d’autres substances ayant elles aussi des effets sur la personne qui les consommera.

    Or dans le thé, il y a des tanins, et les tanins ça a – entre autres effets – celui de ralentir l’assimilation de la caféine dans l’organisme.
    Et ce n’est pas tout.
    Le thé contient aussi plus de théophylline et de théobromine que le café. Deux substances diurétiques et stimulantes, mais pas uniquement.
    La théobromine (C7H8N4O2) que l’on retrouvera aussi dans le chocolat, est certes un stimulant, mais un stimulant doux, qui affecte l’humeur de manière positive. Quant à la théophylline (C7H8N4O2) elle est aussi un bronchodilatateur.

    Je m’arrête une seconde car les plus observateurs d’entre vous auront remarqué que ces deux substances ont la même formule chimique. C’est vrai. Mais il s’agit de deux isomères différents. Pour faire simple, une substance chimique quelle qu’elle soit est définie par deux choses : sa formule (le nombre d’atomes par élément dans sa molécule) mais aussi son isomère, c’est à dire la forme qu’a cette molécule, parce que les atomes ne s’assemblent pas forcément de la même manière dès qu’une molécule devient un poil complexe, et cette différence d’assemblage n’est pas seulement cosmétique, c’est elle qui fera de ces deux substances deux produits bien distincts l’un de l’autre et surtout qui leur donnera des propriétés différentes.

    Et comme un dessin vaut souvent mieux qu’une longue explication :

    Molécule de Théobromine
    Molécule de Théophylline

    Et c’est donc essentiellement par l’action de ces substances (théobromine, théophylline et tanins) que le thé a des effets légèrement différents du café sur l’être humain. Voila, vous savez tout.

    Toutefois, un mystère persiste.

    Pourquoi, malgré tout cela, il existe toujours un certain nombre de personnes qui restent convaincues que la théine existe en tant que substance différente de la caféine ?

    La réponse qui vient automatiquement à l’esprit c’est que les gens ont souvent cette fâcheuse tendance à mal s’informer, voire pas du tout (certains allant jusqu’à penser que la théine est en fait la théophylline ou la théobromine).
    Oui, mais pas uniquement.

    Fun Fact: Hulk est un grand buveur de thé vert.

    Il y a aussi des facteurs beaucoup plus sociologiques voire psychologiques.

    Voyez-vous, il existe dans nos contrées certaines personnes opposant de manière plus ou moins consciente le thé et le café. En effet, dans certains milieux plus ou moins bobos, post-hippies à fâcheuse tendance new age, il existe un certain ressentiment anti-café, qui serait une boisson mauvaise car stressante, énervante, outil idéal de ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus sans écouter ni leur corps ni la nature ; l’univers non plus, bien entendu. Et comme les bobos tendance hippie/new age ont eux aussi besoin de leur drogue extra-douce légale, il ne peuvent accepter que la substance excitante du thé (boisson paisible, exotique, emplie de sagesse, douce, féminine, yin) soit exactement la même que celle du café (boisson violente, impérialiste, capitaliste, dure, masculine, yang).

    Parfois, c’est juste inconscient et à mettre sur un manque général d’éducation et de curiosité intellectuelle.

    Parfois, c’est totalement volontaire, par exemple quand c’est un argument commercial.

    Le mot théine devient alors l’un de ces termes fourre-tout et un peu magique ou pseudo-scientifique utilisés dans le but d’attirer un certain type de clientèle (un peu comme dans les pubs pour les yaourts ou la lessive, vous savez, les bifidus actifs et autres bêtises du genre).

    Vous aurez d’ailleurs remarqué que d’une point de vue émotionnel et sonore, caféine ça commence par une occlusive forte suivie de suite après par une fricative, le tout donnant une certaine violence au terme de même qu’une tonalité presque déplaisante. Alors que son côté théine, même si ça commence aussi par une occlusive, celle-ci est beaucoup moins agressive et surtout ensuite, tout n’est que douceur et consonances aqueuses.

     

    La tasse de café de trop

     

    Donc oui certains vendeurs (et consommateurs) de thé y tiennent à leur théine qui leur sert à essayer de montrer que leur produit à eux, il est naturel et bénéfique en plus d’être exotique, et que cela fait d’eux des personnes bonnes, protectrices de l’environnement et au bon karma. Contrairement à ces mécréants ignorants qui aiment s’empoisonner au café à longueur de journée et détruire la Terre par la même occasion.

    Une prochaine fois, je vous parlerai des conditions de travail des cultivateurs de thé.

     

  • Close Encounter of the Alligatoridae Type

    Close Encounter of the Alligatoridae Type

     

    Alligator à HomosassaCet article fait suite à celui vous enseignant comment faire la différence entre les crocodiles et les alligators. Car ce n’est pas tout que de connaître cette différence, encore faut-il savoir que faire en cas de rencontre fortuite.

    Je vais ici me consacrer exclusivement aux alligators, parce que si vous rencontrez un crocodile, mon conseil est simple et court : ne vous approchez surtout pas, et partez loin, très loin. Pas assez pour faire un article entier. Et puis c’est un alligator que vous avez des chances de rencontrer sur ce site même, pas un crocodile. Donc…

    Sachez que contrairement aux crocodiles, il est tout à fait possible d’approcher un alligator sans que celui-ci ne vous attaque. Je l’ai fait à de nombreuses reprises. Comment ? C’est simple : il ne faut pas qu’il vous prenne pour une proie et il ne faut pas qu’il se sente menacé.

    Pour éviter qu’un alligator ne vous considère comme un proie, voici ce qu’il faut faire et ne pas faire :

    • Rester hors de l’eau dans tout endroit où il y a potentiellement des alligators. En Floride, cela veut dire dans tout endroit où il y a de l’eau douce. Ne vous baignez jamais dans une rivière ou un lac sauf s’il est explicitement indiqué que vous pouvez le faire (certains lacs ont par exemple des zones de baignades protégées des alligators par des filets ou des grillages).
    • Si vous êtes dans une embarcation quelconque, c’est bien entendu une très mauvaise idée que de laisser traîner ses mains dans l’eau.
    • Ne paraissez pas plus petit que vous ne l’êtes vraiment, par exemple ne vous accroupissez jamais à proximité d’un alligator, voire tout simplement à proximité du bord de l’eau.
    • N’amenez pas vos chiens ou vos enfants en bas âge là où il y a des alligators, ils ont la taille parfaite pour un bon dîner.
    • Ne nourrissez jamais un alligator ! Un alligator nourri par un humain sera un alligator qui associera les humains à la nourriture. Cette association d’idée peut se produire soit sur le court terme, et alors il ne fera pas la distinction entre vous et la nourriture (et surtout pas entre la nourriture dans votre main et… votre main), soit sur le long terme, et l’animal n’aura plus peur des humains et au lieu de les éviter (ce qui reste quand même sa réaction la plus normale, la plus naturelle et la plus fréquente) il ira à leur rencontre avec tous les drames que cela causera. Un alligator qui attaque un humain est presque toujours un alligator qui a été nourri par un humain. Et sachez que si vous êtes pris en flagrant délit de nourrir un alligator, non seulement vous devrez payer une amende de 500$, mais en plus vous aurez la mort de la pauvre bête sur la conscience car celle-ci sera systématiquement euthanasiée.

     

    Alligator à Alachua Sink

     

    Pour qu’un alligator ne se sente pas menacé, ne vous approchez surtout pas de lui s’il est hors de l’eau. Il est alors hors de son élément, et donc il se sent moins en confiance. Et si vous vous dites que vous ne risquez rien qu’il est à moitié endormi et que si jamais il bouge vous pourrez vous enfuir en courant avant que ce gros pataud ne puisse vous atteindre, je vous réponds que vous faites là une grossière erreur de jugement. Le détail qui vous a échappé : un alligator peut faire des pointes à 35 km/h au sol sur de courtes distances. Et vous ?

    Sachez toutefois que si par malchance un alligator décide de vous courser, votre meilleure option reste celle de courir en zigzags. De par sa morphologie (tout en longueur, court sur pattes), il aura du mal à faire des changements brusques de direction, et comme il n’est pas assez intelligent pour anticiper votre trajectoire il se fatiguera plus vite ainsi.

    Sachez aussi qu’avant de vous courser, l’alligator essaiera de vous faire peur et de vous impressionner. S’il pousse un cri (une espèce de sifflement grave et rauque) c’est qu’il vous lance un avertissement. Son action suivante sera très certainement offensive. N’oubliez pas que dans une telle situation, il n’a pas envie de vous manger, simplement que vous partiez. La meilleure chose à faire est donc d’exaucer son vœu.

    Notez aussi que le mois de mai (le début de la saison de pluie) est le mois où on est le plus susceptible de tomber nez à nez sur un alligator hors de l’eau, et surtout loin de l’eau. C’est le mois de l’année où les mâles ayant atteint la puberté quittent leur lac natal pour trouver un autre lieu où vivre et des femelles à féconder. C’est toujours une période critique de l’année où l’on tombera sur de jeunes mâles travaillés par leurs hormones dans les endroits les plus incongrus, que ce soit au fond d’une piscine ou au milieu de la route. J’ai d’ailleurs testé cette dernière option pour vous, ces policiers aussi :

     

    Donc, en gros, la seule circonstance dans laquelle il est – relativement – peu dangereux de s’approcher d’un alligator c’est quand celui-ci est dans l’eau, que vous n’y êtes pas et qu’il ne peut pas se jeter directement sur vous. Mais même là, certains individus plus téméraires ou plus optimistes que la moyenne ne se gêneront pas pour essayer. J’ai le souvenir d’un beau spécimen qui, me voyant l’observer au-dessus de lui, décida de m’intimider, de m’attraper ou je ne sais quoi d’autre. Et alors qu’il avait bien trois mètres à escalader pour m’atteindre il fit quand même l’effort de plonger dans l’eau depuis l’autre rive, de nager vers moi et de ressortir de l’eau d’un pas décidé et intimidant pour me faire partir. Petit rappel : un alligator ne peut pas escalader plus de quelques dizaines de centimètres de dénivelé. Je me demande encore aujourd’hui ce qu’il espérait.

    Bien entendu, dans ma liste des différentes situations impliquant un alligator et vous, je n’ai pas mentionné la femelle qui protège son nid. Je vous souhaite tout simplement de ne jamais vous retrouver près d’une femelle et de son nid, c’est le seul conseil que j’ai à vous donner pour ce cas de figure-là.

    Mais voila, vous courez vraiment de malchance (ou d’inconscience) et un alligator a décidé que vous serez son prochain repas, ou du moins sa prochaine victime.

    Tête d'alligatorQue faire dans ce cas-là ?

    La première chose, c’est de ne pas paniquer, ni de vous imaginer déjà dans son ventre. Selon toute probabilité, vous ne perdrez qu’un bras ou qu’une jambe.
    Ensuite, gardez bien à l’esprit que l’attaque de l’alligator est double. Jusqu’à présent, je vous ai bien fait peur avec sa mâchoire qui croque tout, mais je ne vous avais pas encore parlé de sa queue.

    La queue d’un alligator est extrêmement puissante, elle lui sert de propulseur quand il nage (vous ne pensiez pas qu’il avançait en pataugeant grâce à ses petites pattes quand même ?) mais aussi d’arme redoutable quand le besoin s’en fait sentir. Pour vous mettre un peu dans l’ambiance, sachez qu’un coup de queue d’alligator peut facilement vous briser les fémurs.

    Mais j’arrête ici de vous faire peur, car il est maintenant temps d’apprendre comment se défendre et se tirer vivant de cette situation pour le moins insolite qu’est se faire attaquer par un alligator. Quoique si cela vous arrive, imaginez un peu votre popularité plus tard auprès de vos petits-enfants quand bien plus tard vous leur narrerez vos aventures au coin du feu pendant les longues soirées d’hiver de vos vieux jours.

    Donc, si un alligator vous attaque sur le sol (si la scène se passe dans l’eau, je vous renvoie au paragraphe sur les nids d’alligators, les conseils sont les mêmes), les premiers instants seront cruciaux, car il faudra que vous arriviez à vous placer sur l’alligator même, approximativement au niveau des épaules et à appuyer sur son cou pour plaquer sa tête au sol. Couvrir ses yeux est aussi une très bonne idée, cela le calmera (comme un vulgaire poulet). Et pour éviter les morsures, il sera important de maintenant la bouche de l’alligator fermée.

    Là le lecteur me regarde un peu ahuri et doit penser quelque chose du genre : « Mais il se fout de nous ? Il vient de nous dire que la mâchoire de l’alligator était la plus puissante du monde animal, et maintenant il veut que l’on la maintienne fermée ! »

    Exactement !

    Et non, je ne me fous pas de vous. Au contraire, je vais maintenant vous révéler le talon d’Achille des alligators : si ses muscles pour fermer la bouche sont extrêmement puissants, ceux pour l’ouvrir sont plutôt faiblards en fait et tout humain ayant un peu plus que de la peau et des os aura assez de force pour maintenir la bouche d’un alligator fermée s’il le souhaite.

    Étonnant non ?

     

    Alligator à Lake Alice

     

    Si vous avez réussi à le calmer de la sorte, je vous avoue que je suis moi-même impressionné, et je ne serais pas surpris si les Miccosukees faisaient de vous un membre d’honneur de leur tribu.

    Si vous n’y arrivez pas mais que par chance vous avez un couteau ou quelque chose de contondant avec vous, visez les yeux et le museau. C’est encore la chose que vous avez de mieux à faire et ce qui aura le plus de chance de le motiver à vous laisser tranquille et à partir. Souvenez-vous il n’y a que dans les films que ce genre d’animal se bat jusqu’à la mort, dans la vraie vie, il ne sont pas habitués à recevoir des coups (ils ne sont pas en haut de la chaîne alimentaire pour rien) et quand tout ne se déroulera pas comme prévu pour lui, il ne lui en faudra pas beaucoup pour lâcher prise et pour fuir.

    S’il a attrapé quelque chose dans sa mâchoire, par exemple votre jambe, et que par chance celle-ci n’est pas sectionnée, il sera impératif d’arriver à l’empêcher de vous secouer, c’est ce qui vous fera le plus de dégâts (à la limite, il vaut presque mieux qu’elle soit sectionnée net). Pour ce faire – et paradoxalement – c’est en appuyant sur son nez (et donc en maintenant sa bouche fermée) que vous aurez le plus de chance de réussir.

    Quoique je vous conseille plutôt un bon coup sec sur le museau, habituellement, cela lui fait ouvrir la bouche en réaction. Ensuite, bien évidemment ne soyez pas distrait et ne traînez pas pour sortir votre jambe.

    Dans tous les cas, si vous êtes blessé par un alligator, que ce soit un bras sectionné, ou une simple éraflure, faîtes traiter la blessure le plus rapidement possible, les blessures causées par les alligators, du fait de la présence d’agents pathogènes dans leur salive vont s’infecter très très rapidement.

    Voilà, maintenant que toutes ces recommandations ont été faites, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter un très agréable voyage.

    Une dernière chose : surtout ne montez pas sur un « airboat« . Je vous expliquerai pourquoi une autre fois.

    (NdR: Il est évident que la Direction de The Swamp se décharge de toute responsabilité si vous revenez de vos vacances floridiennes en morceaux après une rencontre avec un alligator)

     

    Gros Alligator dans Paynes Prairie

     

    (sources photos: collection personnelle de Gator)

     

  • Non, ce n’est pas caïman pareil !

    Non, ce n’est pas caïman pareil !

     

    Ça y est ! C’est le mois d’août, c’est les vacances et certains d’entre vous ont déjà jeté leur maillot de bain dans leur valise et s’apprêtent à sauter dans le prochain vol pour la Floride !

    À ceux-là, je me dois de dire : « Ouhla ! Pas si vite ! »

    Bon déjà, le mois d’août n’est pas forcément le meilleur mois de l’année pour visiter la Floride. C’est d’ailleurs valable pour n’importe quelle région tropicale. Ceux qui ont déjà passé une journée par 35°C à l’ombre avec près de 100% d’humidité savent de quoi je parle. Ceux qui connaissent le concept de « saison des pluies » aussi. (On m’informe que Fyly est dans l’une de ces régions depuis hier, souhaitons-lui donc bonne chance).

    Mais ce n’est pas de pluie et de beau temps dont je veux vous parler aujourd’hui, c’est de l’un des autres nombreux dangers de la Floride.

    En effet, vous ne vous rendez pas compte ! À partir ainsi en Floride sans préparation, vous prenez de gros risques, de très gros risques même. Peut-être pas au point d’y perdre la vie, mais y perdre un bras ou une jambe, ça oui, sans problème.

    Car si la Floride, pour les plus frimeurs, les plus fainéants et les plus amateurs de clichés d’entre vous, ça se résumé à sea, sex and sun, sachez que c’est aussi une région possédant une nature sauvage extrêmement riche, parfois surprenante pour un Européen, et pas toujours sans danger.

    Il se trouve que c’est cet aspect-là de la Floride qui m’a toujours le plus intéressé quand j’y vivais. Je me permets donc de vous en parler un petit peu aujourd’hui et de vous donner quelques conseils et avertissements dans l’espoir qu’un jour vous suiviez mes traces ; c’est-à-dire que vous quittiez cet endroit très surfait qu’est South Beach et que vous vous plongiez au cœur des Everglades, voire dans d’autres marais moins célèbres, mais tout aussi passionnants.

    Je laisse les requins, les stingrays, les serpents et certaines plantes vénéneuses de côté pour le moment pour me consacrer aujourd’hui à mes reptiles préférés : les alligators !

    Alligators à Homossasa Springs, Floride

    Commençons par le commencement, c’est-à-dire une chose qui m’agace au plus haut point : le fait que trop de gens amalgament alligators et crocodiles (et je ne vous parle même pas des caïmans et autres gavials).

    Il faut que cela cesse, d’ailleurs Gator est tout penaud en ce moment car l’autre jour quelqu’un l’a pris pour un Australien (donc un crocodile)

    Donc aujourd’hui, je vais vous apprendre comment reconnaître un alligator et comment le distinguer d’un crocodile.

    Profitons-en au passage pour exploser le premier cliché : Non, un alligator ce n’est pas vert !
    En effet, sa peau est plutôt d’un gris très foncé pouvant parfois paraître vert sous certaines luminosités et dans certaines eaux, mais aussi complètement noir sous d’autres.
    Un crocodile, lui, sera de couleur plus claire, tirant sur les ocres verdâtres, avec bien souvent plusieurs variations selon les différentes parties du corps. Les alligators eux, sont en général monochrome (sur le dessus du moins, le ventre lui sera toujours très clair, presque blanc).
    Sauf dans leurs jeunes années, où là, les alligators sont rayés de jaune. C’est l’époque de leur vie où ils ont encore des prédateurs (bien souvent des alligators adultes) et cela leur permet de se dissimuler plus facilement parmi les herbes des marais ; et même si ces rayures disparaissent une fois l’âge adulte atteint, il peut parfois en rester des traces longtemps après la puberté.

    Avant d’aller plus loin, j’en vois certains jaser au fond.

    Oui ?

    Quoi ?

    Ah… Vous dites que cela ne sert à rien de savoir distinguer ces deux animaux parce que d’une, ils ne vivent pas aux mêmes endroits du globe, et de deux, une rencontre avec l’un ou avec l’autre sera toute aussi douloureuse.

    Je vois…

    Et bien sachez que vous vous méprenez dans les deux cas.

    Premièrement savoir distinguer ces deux animaux ne trouve pas uniquement son utilité dans les réceptions guindées pour y impressionner les bourgeoises en mal de sensations fortes. Il y a un autre endroit où cette information est des plus utiles : c’est à l’extrême sud de la Floride, à savoir, la seule région au monde où les deux animaux cohabitent dans la nature.

    Mais sachez que ce savoir est utile pour une deuxième raison. Il peut tout simplement vous sauver la vie. Car on ne se comportera pas de la même façon face à un alligator et face à un crocodile. Et surtout, un crocodile et un alligator ne se comporteront pas de la même manière face à vous.
    Mais avant de parler de la psychologie de ces charmants animaux (vous pouvez lire tout cela dans un autre article), continuons à être superficiels et à nous intéresser à leur apparence.

    Nous savons donc que les deux animaux n’ont pas la même couleur, mais ce n’est pas tout. Laissons de côté le fait qu’ils ont des tailles différentes à âge égal, parce que de vous à moi, je ne vous vois pas demander son âge à un de ces animaux. Intéressons-nous plutôt à leur tête. Et là aussi, je vous entends encore : « pfff, ils sont moches tous les deux ». Alors là, je vous arrête tout de suite ! Tout d’abord, c’est très insultant pour eux, et ensuite, la beauté est un concept des plus subjectifs. Alors je vous prierai de garder ces commentaires désobligeants pour vous.

    Par contre, si vous regardez leurs têtes avec toute l’objectivité que j’attends de vous, vous remarquez quoi ?

    difference alligator crocodile

    Exactement !
    Vous remarquez que le crocodile a un museau bien plus fin.
    Cela ne s’arrête pas là. Regardez ces dentitions :

     

    Chez le crocodile c’est le bordel, ça sort de tous les côtés, on ne s’y retrouve pas.
    Chez l’alligator, seules les dents de la mâchoire supérieure dépassent de la bouche quand celle-ci est fermée.
    Et quel autre animal à cette particularité ?
    Exactement ! Le lapin ! Ce qui rend notre alligator tout de suite plus sympathique, ne trouvez-vous pas ? Il a au moins un point commun avec le lapin, ce qui est bien plus que le crocodile.

    Nous allons voir que ces différences morphologiques ont leur influence sur la façon dont ces animaux se nourrissent, et indirectement sur leur psychologie en général. En effet, les comportements et styles de vie de ces deux animaux sont très différents. Je vous passerai les détails qui ne nous concernent pas directement et qui ont plutôt trait à leurs vies privées, comme le fait que les crocodiles américains ne rechignent pas à traîner dans les eaux saumâtres alors que nos amis les alligators ne se baignent que dans de l’eau douce, pour me concentrer sur leurs régimes alimentaires et leurs techniques de chasse.

    Les deux animaux ont certes à peu près le même régime alimentaire – carnivore bien évidemment – mais ils n’attrapent pas leurs proies de la même manière.
    Vous avez tous vu les documentaires où le crocodile du Nil attend patiemment dans l’eau boueuse que le gnou inconscient vienne boire juste à côté de lui pour se faire attraper par surprise par le reptile qui noiera sa victime pour s’en repaître plus tard ?
    Pour mémoire :

    Et bien notre crocodile américain chassera de la même manière, même s’il faut bien l’avouer, il est moins féroce que ses homologues africains et surtout australiens, et la plupart du temps, il attrapera surtout de gros poissons qui passent par là.

    Mais pour pouvoir ainsi attraper et maintenir de grosses proies pendant de longues minutes durant lesquelles elles vont se débattent parce qu’elles n’ont pas vraiment envie de se faire manger, il faut avoir tout un tas de dents qui partent un peu dans tous les sens et qui feront office d’autant d’hameçons. Le museau plutôt fin, quant à lui, servira une fois la proie morte, pour arracher plus facilement les morceaux de viande difficiles d’accès – entre deux os par exemple – voire pour les plus gourmets d’entre eux, de pouvoir plus facilement choisir les meilleurs morceaux parmi les différents organes internes dans la cage thoracique ; un peu comme moi quand je mange un poulet rôti, je mange toujours le gésier en premier.
    Bien entendu, un humain passant à proximité d’un crocodile sera considéré comme un repas potentiel par celui-ci.

    L’alligator lui, chasse uniquement dans l’eau. Il n’est pas con l’alligator. Dans l’eau, il se meut avec facilité, rapidité, certains diront même avec grâce, et bien peu de choses peuvent lui résister. Hors de l’eau, sa proie aura beaucoup plus de chances de lui échapper.
    Toutefois, ne pensez pas pouvoir fanfaronner à côté d’un alligator hors de l’eau sans danger. S’il ne chasse pas hors de l’eau, cela ne veut pas dire qu’il y est inoffensif et il vous attaquera sans hésitation s’il se sent menacé. Exemple de comportement qu’il considérera comme une menace : fanfaronner à côté de lui.

    Mais revenons-en à la chasse de l’alligator. Contrairement, à son cousin qui attrapera tout ce qui bouge, même hors de l’eau, en essayant de le noyer ensuite si c’est trop gros, l’alligator ne s’attaquera qu’à des proies relativement petites, c’est-à-dire des proies qu’il peut tuer -ou du moins rendre hors d’état de nuire- en un coup de mâchoire. Car, voyez-vous, la mâchoire de l’alligator à cette particularité qu’elle est la plus puissante du règne animal et qu’elle peut exercer jusqu’à environ une tonne de pression chez les adultes.

    Maintenant, il faut toutefois mettre les choses en perspective. L’alligator n’est pas un parangon d’intelligence et lui aussi, quand il chassera il aura tendance à chasser tout ce qui passera à sa portée – mais dans l’eau – et il peut arriver que de gros mâles attrapent des animaux bien plus gros qu’un raton laveur. En gros : s’il a faim et que ça trempe dans l’eau, il va l’attaquer. Il se trouve juste qu’il y aura plus souvent des poissons que des ratons laveurs à portée de sa bouche, et plus souvent des ratons laveurs que des panthères de Floride.

    Et les humains ? Et bien les humains aussi peuvent être des victimes collatérales.
    Pas tous les jours, certes, mais c’est quand même arrivé 13 fois (dont 12 en Floride) au cours des dix dernières années. Et là, même si je mentionne les décès, ce que vous risquez le plus si vous vous faîtes attaquer par un alligator, c’est surtout de perdre un membre. Vous vous souvenez, la mâchoire, une tonne de pression, tout ça : une véritable guillotine. En moins propre.

    C’est pour cela que dans mon prochain article, maintenant que vous savez distinguer un crocodile d’un alligator, je vous parlerai de ce qu’il faut faire – et surtout ne pas faire – si vous rencontrez un alligator.

    Lire l’article suivant :

    Close Encounter of the Alligatoridae Type

     

    (sources photos: Encyclopedia Britannica et ma collection personnelle)