Catégorie : Vie Quotidienne

  • Le Virus, le Japon et moi (première partie ?)

    Le Virus, le Japon et moi (première partie ?)

    Certains d’entre vous le savent, d’autres non, mais je suis professeur d’université dans une petite ville japonaise.

    Comme cette pandémie nous retourne tous un peu dans tous les sens, je m’étais dit qu’écrire un peu dessus, ça aiderait à faire sens de la situation. Et comme je l’écris dans un journal avec un « smart pen », je me suis aussi dit que pourquoi ne pas le partager ici avec vous, ça vous donnera un peu une idée de ce qu’il se passe au Japon.

     

    Prologue

    Il y a peu, j’étais tombé sur un article conseillant aux gens de tenir un journal, en papier, dans le but de laisser des documents aux futurs historiens. Des documents autres que les documents « officiels » de l’Histoire.

    Cela tombe bien, j’aime bien écrire, et avec un « smart pen », je peux faire d’une pierre deux coups et utiliser ces écrits pour mon blog aussi sans avoir à tout retaper. 🙂

    Et puis c’est le bon moment pour commencer : nous vivons une période historique après tout.

    Donc commençons, nous verrons bien où cela nous mènera.

     

    5 avril 2020

    Je débute ce journal au meilleur et au pire des moments : alors qu’une pandémie est en train de mettre un sacré bordel à peu près partout sur la Terre.

    Et, là tout de suite, je vis soit dans le meilleur soit dans le pire des pays pour faire face à cette crise. Car comme à son habitude, le Japon se distingue du reste du monde.

    Le pays fut l’un des tout premiers touchés par le coronavirus Covid-19, et pourtant, il semble être l’un des pays les moins atteints au moment où j’écris ces lignes.

    Pour mémoire, le premier cas de personne infectée au Japon remonte aux tous premiers jours de l’épidémie, alors qu’elle était à peine une arrière pensée en Occident. Mais alors que ses voisins, la Corée du Sud et Taïwan ont – entre autres choses – testé le plus de monde possible, au Japon les tests sont restés – et restent encore – très limités.

    La gestion officielle de la chose était d’isoler rapidement les personnes infectées et de ne tester que leur entourage direct. Bref contrairement à ses voisins d’abord et au reste du monde ensuite, l’épidémie au Japon semblait très limitée.

    Mais les chiffres très bas ne dupait pas grand monde : le Japon devait accueillir les Jeux Olympiques l’été venu . Tout ce qui a n’importe quelle forme de pouvoir au Japon (politique, économique, médiatique et autres) avait tout misé sur les JO dans l’espoir de rééditer le « miracle » de 1964, ignorant que le monde et les Jeux d’alors ne sont plus les mêmes que ceux d’aujourd’hui.

    Bref tout cela a ralenti toute réaction des autorités face à l’épidémie, il était question de la minimiser bien entendu. Jusqu’à ce qu’ils n’eurent d’autre choix que de se rendent enfin à l’évidence – même si par magie l’épidémie restait faible au Japon, ce n’était plus du tout de ça dont il s’agissait. Le reste du monde était quand même sans dessus dessous ; personne n’allait venir, ni athlètes, ni visiteurs.

    Et « étrangement », une fois les JO, repoussés – j’ai failli dire annulés, je ne serai pas surpris s’ils le sont, la situation sera-t-elle réglée l’an prochain ? – le nombre de personnes touchées par le virus au Japon à commencé à augmenter de plus en plus vite.

    On en est là aujourd’hui.

    Et je vais essayer de faire sens de ce qu’il est en train de se passer – autant pour moi que pour vous .

    Commençons par la réaction des Japonais, en particulier du côté de chez moi – la situation est, je pense, un peu différente dans les grandes villes.

    En février, tout le monde a eu peur, les masques sont apparus sur tout les visages. Les Japonais sont un poil « germophobes » et on pouvait le ressentir un peu partout.

    Mais voila, les Japonais confondent trop souvent l’impression de danger avec le danger réel – ou à l’opposé, mais c’est le même résultat – l’impression de sécurité avec la sécurité réelle.

    Et donc au bout de quelques jours / semaines, une fois le devoir social d’inquiétude accompli, la tension s’est relâchée surtout que – au moins ici et au moins officiellement – le nombre de personnes touchées restait extrêmement bas.

    Maintenant, et depuis quelque temps, la vie quotidienne est pratiquement identique à la vie quotidienne en temps normal. La majorité des gens ne s’inquiète plus.

    Et le gouvernement ?

    Fin février, alors qu’il était de plus en plus critiqué pour sa passivité, le Premier Ministre, Shinzo Abe, a décidé unilatéralement et sans en avertir personne, de faire fermer toutes les écoles pendant environ un mois. Mesure pas vraiment nécessaire à ce moment-là, totalement inutile car non accompagnée d’aucune autre mesure préventive et compliquant grandement la vie des familles dont
    les deux parents travaillent.

    Vous savez le pire ?

    Les écoles maternelles n’étaient pas incluses dans la fermeture (les universités non plus, mais les étudiants étaient en vacances jusqu’en avril à ce moment-là).

    Bref, il ne s’agissait que d’une mesure politique. Pour montrer qu’il ne faisait pas rien.

    Et un mois plus tard ? C’est la rentrée ! La plupart des écoles rouvrent cette semaine. Y compris pour mes enfants , y compris pour moi. Ah, si, dans mon cas la rentrée a été repoussée d’une semaine. Pourquoi ? Allez savoir.

    Si, certainement pour laisser un peu de temps à tout un chacun de se retourner. Et peut-être pour laisser le temps aux étudiants venant de regions plus touchées de se mettre en quarantaine avant la rentrée. Parce qu’apparemment quelque part dans les hautes sphères de l’administration de l’université, des gens pensent que les étudiants vont le faire… d’eux-mêmes…

    La semaine dernière, une de mes collègues est tombée sur un groupe de nos étudiants en médecine fêter leurs retrouvailles dans le parc près de chez elle autour d’un grand barbecue ! Nos étudiants en médecine !

    Et donc, que se passe-t-il dans mon université ? Pour faire face à l’épidémie ? Pour l’empêcher d’arrivée parmi nous (si le virus n’y est pas déjà à l’insu de tous) ?

    Rien !

    Absolument rien…

    Le début du semestre se préparait comme si de rien n’était. Il n’était juste question que de suivre les directives totalement ridicules du Ministère de l’Éducation :

    • Bien aérer les salles de classe.
    • Espacer les étudiants d’environ un mètre les uns des autres.
    • Interdiction aux étudiants de se parler en classe.
    • Port du masque conseillé pour tous.

    Oui, ceci est suffisant pour contrer le coronavirus dans un campus selon notre ministère.

    Mise à jour (mars 2021) : Je moquais ces mesures qui me semblaient en demi-teinte voila bientôt un an, mais maintenant avec le recul, je me dois de faire mon mea culpa. Ces mesures étaient les bonnes. Une des réussites du Japon et des échecs de l’Occident c’est d’avoir considérer la transmission aérosol comme étant la plus importante depuis le début. Et aujourd’hui, près d’un an plus tard, l’aération et le port du masque s’est généralisé au Japon, et j’hallucine de voir qu’ils restent encore matière à débat dans certains pays, y compris celui qui m’a vu naître.

     

    Lors de notre premiere réunion de début de semestre, devant le manque d’action et d’intérêt apparent pour la chose de la part de la hiérarchie, les professeurs étrangers avons fait un mini coup d’état et avons décidé de déplacer nos classes en ligne.

    Le chef de notre section était abasourdi, choqué presque.

    J’aime beaucoup vivre au Japon et les Japonais. Sauf dans ces moments-là : quand ils ont une obéissance aveugle envers la hiérarchie, quand ils ne veulent pas prendre leurs responsabilités et quand ils semblent être complètement étrangers au concept de prévention.

    Parce que c’est exactement de quoi il est question ici.

    Nous sommes une université publique et personne dans la hiérarchie ne veut aller à l’encontre du ministère (même si d’autres universités ont déjà osé). Et nous sommes dans une région du pays encore peu touchée par l’épidémie, alors pourquoi changer les choses tant que personne n’est officiellement infecté ?

    Parce que ne nous y trompons pas : l’université devra fermer ses classes et aller sur internet au premier cas de Covid-19 déclaré sur le campus… Y aller dans l’urgence, sans aucune préparation et en plein milieu de semestre.

    Ce que nous essayons de faire – à savoir ne pas attendre d’en arriver là et déplacer les cours en ligne en nos propres termes avant que cela ne devienne une urgence – est un concept totalement étranger pour beaucoup de Japonais.

    Pas tous, bien entendu pas tous, mais plus on monte dans la hiérarchie, plus on rencontre de gens adeptes de diverses politiques de l’autruche en cas de situation imprévue, compliquée ou dangereuse.

    Ce n’est pas une surprise, ce n’en pas en faisant des choses imprévues et inhabituelles que l’on monte les échelons au Japon.

    Depuis une semaine, on en est là.

    Mais on est en train de gagner. Peut-être qu’ils sont en train d’accepter. Pour qu’on leur fiche la paix, je ne sais pas (j’exagère,  il y a quand même des gens hauts placés qui sont de notre côté), mais on va y arriver.

    Pendant ce temps , ma fille a repris l’école lundi, comme l’a demandé le gouvernement de Shinzo Abe. Mais le maire – qui écoute ses administrés – c’est un bon maire, pour ce que j’en connais –
    a décidé de les fermer de nouveau dès la fin de la semaine devant la levée de boucliers (qui m’a surprise avouons-le) de la part des résidents de la ville, au moins sur les réseaux sociaux, et contre la décision nationale de rouvrir les écoles.

     

    (à suivre)

     

     

     

     

  • La Balançoire

    La Balançoire

    En Mars dernier, une jeune femme est venue au boulot pour se renseigner à propos de cours pour sa fille. Jusque-là rien d’inhabituel, sinon son apparence.

    Voyez-vous, au Japon, l’habit à tendance à faire le moine. Et la jeune femme en question avait un look qui n’a, non seulement rien à voir avec celui habituel de la “mère”, mais qui en plus tendait plutôt vers celui de “jeune femme fêtarde, célibataire, pauvre, sans éducation et très certainement facile.”
    Oui, parfois, dans ce pays, on peut deviner beaucoup du background d’une personne juste par son apparence physique (ailleurs aussi, mais ici, plus, je trouve).

    Maintenant, point de méprise, loin de moi l’idée de juger les choix faits par cette femme quant à la façon de vivre sa vie. Surtout que je suis presque sûr que certains choix n’ont pas dû en être.
    Disons que son apparence jurait pas mal par rapport aux autres mères de l’école, surtout que celle-ci est située dans un quartier plutôt bourgeois et qu’elle attire des familles appartenant plutôt aisées.
    Le seul commentaire personnel que je me permets d’émettre à son sujet, c’est qu’en général – et je précise bien “en général” – j’ai toujours de forts doutes sur la capacité qu’ont ces jeunes femmes-là à être mères et à élever correctement leurs enfants. Mais une fois de plus, je ne sais rien d’elle, dont pas de jugement hâtif et mal informé.

    Elle commença à nous parler un peu de sa fille, Lena, 5 ans et très probablement atteinte du syndrome d’Asperger ou autre trouble similaire.

    Nous l’invitâmes – comme c’est la norme – à venir prendre part à une classe et voir comment ça se passe, ce qu’elle fit quelques jours plus tard.

    Ce jour-là, j’ai rencontré une petite fille adorable, d’une gentillesse extrême (nous nous sommes presque attachés l’un à l’autre en moins d’une heure – ça arrive parfois avec certains enfants) d’une intelligence toute aussi extrême – elle apprenait tout presque instantanément. Mais aussi une petite fille hyperactive et complètement incapable de se concentrer ou de se focaliser sur la même chose plus de quelque secondes.

    Quant à la mère, je la sentais dépassée, pas juste pendant cette classe d’essai, mais dans sa vie, tout simplement. Qui ne le serait pas ? Mais probablement encore plus dans son cas, comme je le soupçonnais déjà lors de notre première rencontre, je ne suis pas sûr qu’elle ait la maturité nécessaire pour être mère, ni peut-être l’intelligence pour gérer une telle enfant.

    Après la classe et une brève discussion, elles partirent pour ne jamais revenir. Il était malheureusement clair que notre méthode d’enseignement n’était pas adaptée à la petite Lena (mais y a-t-il une méthode “normale” qui le soit ?). Nous avons bien deux étudiants dans des situations similaires, mais l’un (14 ans) suit des cours particuliers, l’autre (4 ans) arrive à fonctionner sans problème dans le cadre d’une classe avec d’autres enfants de son âge.

    Sans pouvoir le leur dire expressément, je leur souhaitais du fond du cœur la meilleure des vies possibles, tout en sachant que la route serait difficile.

    Il y a quelques jours, alors que je marchais près du terrain de jeux de mon quartier, à une heure où il est habituellement vide, les enfants étant à l’école, je les vis toutes les deux.

    Lena faisait de la balançoire, elle riait de tout son cœur, comme tout enfant de son âge s’amusant follement dans un parc. Sa maman la poussait. Elle semblait heureuse, elle aussi, ne serait ce que pendant ces quelques minutes durant lesquelles l’univers se limitait à cette balançoire et à cette petite fille adorable riant.

     

    Balancoire

     

  • Tout Doux

    Tout Doux

    Aujourd’hui, j’ai lu son premier livre à ma fille.

    J’ai tenté de la convaincre de m’écouter lui lire La société du Spectacle ou The Invisibles mais elle leur a préféré Tout doux : Mon premier livre.

    Personnellement, je vous conseille les trois.

     

     

     

     

     

  • Vous connaissez Batman ?

    Vous connaissez Batman ?

     

    « Euh… Pas personnellement… »

    Comme vous le savez peut-être, je suis désormais prof d’anglais pour de jeunes Japonais. J’enseigne à la fois dans une école de langues pour enfants et dans un collège-lycée privé (appelons-le BigHand High School).

    Ce matin, à Bighand, je fus surpris de voir que l’une de mes étudiantes, Riko, possédait un sac ressemblant plus ou moins à celui ci-contre.

    Surpris, car je ne l’imaginais pas du tout être du style à avoir un sac à dos Batman, quoique pour être honnête, je n’ai pas la moindre idée de son « style » vu que tous les collégiens et lycéens japonais portent des uniformes. Toutefois, certains étudiants sont clairement mal engoncés dans ces vêtements qu’ils portent pourtant à longueur de journée, comme si ceux-ci n’étaient clairement pas faits pour eux. Elle, par contre, porte l’uniforme à merveille, au point que je l’imagine bien porter de telles jupes et chemises preppy même quand elle est loin de toute activité scolaire. Mais bon, qu’est-ce que j’en sais au final ? Je ne la vois que dans ce contexte de la salle de classe.

    Et donc ce matin, il y avait un sac à dos Batman au pied de son bureau.

    Comme elle est une des étudiantes les plus amicales de sa classe (le fait qu’elle soit bonne en anglais aidant – je ne parle pas encore trop bien le japonais), il m’arrive d’échanger trois mots avec elle de temps à autres, quand je passe dans les travées durant un exercice.

    Là, voyant ce sac, je lui ai simplement demandé s’il était à elle.

    Elle me répondit que oui et, me voyant étonné, s’étonna à son tour :

     

    Vous connaissez Batman !?

     

    Elle était assez stupéfaite de ma réponse. Comme s’il était impossible que son professeur d’anglais, étranger, et de surcroît de plus de 20 ans son aîné, puisse avoir la moindre idée de ce que représentait ce logo.

    Elle insista même un peu, et me reposa la question : « Vraiment vous connaissez ? » Je lui dis que oui vraiment, je le connaissais depuis aussi longtemps que je me souvienne. Puis je suis passé à autre chose. J’avais une classe à enseigner.

    Un peu plus tard, dans la journée l’épisode me revint à l’esprit. Je m’interrogeai alors sur les raisons de sa réaction. Il aurait été facile de mettre ça sur le dos de l’inculture ou de la stupidité. Cette fille est d’une grande intelligence, quant à savoir si elle est cultivée, j’avoue que même si je ne le sais pas très bien, il est clair qu’elle n’est pas pire que la moyenne des jeunes de son âge.

    En fait, je trouve sa réaction très intéressante, surtout comparée aux rapports que j’entretenais avec mes profs quand j’avais moi-même 15 ans. J’aurais moi aussi été plus que surpris si mon prof avait reconnu instantanément un élément appartenant à ma pop culture, que ce soit les comics (justement), les jeux de rôles (oui, je fus rôliste dans ma jeunesse) ou quoique ce soit d’autre que je considérais comme faisant partie de l’univers des adolescents et pas des adultes.

    De plus, chaque fois que mes élèves font référence à la pop culture, il s’agit de pop culture japonaise, or je suis complètement ignorant et n’ai presque aucun intérêt pour celle-ci. Elle aura peut-être présupposé que j’avais cette attitude envers la pop culture dans son ensemble.

    En tout cas, à l’époque, si jamais un de mes profs connaissait une de mes références culturelles (c’est arrivé), je peux vous assurer qu’il gagnait instantanément un nombre conséquent de points de coolitude. J’espère qu’elle raisonne de la même façon.

     

     

     

  • L’odeur des esprits adolescents

    L’odeur des esprits adolescents

     

    Hier soir, je suis allé faire un tour sur la promenade du bord de mer. Il s’agit d’une de mes activités préférées. Il s’agit même de la première chose que j’ai faite dans cette ville quand j’y suis venu pour la première fois, bien avant de m’y installer. Il n’y a que peu de choses plus reposantes, relaxantes et agréables à faire ici, lors des soirs d’été.

    Pourtant, étrangement, les locaux n’en sont pas si friands que ça, si on considère que nous étions samedi soir et que je n’y ai croisé qu’une grosse dizaine de personnes. Quoique moi même, malgré mon amour pour ce lieu, je ne m’y étais pas rendu en soirée sans aucun autre but que de m’y promener depuis environ un an. Je blâme une succession de concours de circonstances et de remises à la prochaine fois qui se multiplient un peu trop.

    Alors que je m’apprêtais à me diriger vers le chemin du retour, je vis deux jeunes en train de jouer de la guitare. Avoir vingt ans, voire un peu plus, et se rendre dans un coin calme en bord de mer pour y jouer de la guitare, cela n’a rien d’exceptionnel. Tout le monde ou presque l’a fait un jour quand l’occasion s’est présentée, moi le premier.

    Mais voila, je n’ai plus vingt ans.

    En passant près d’eux, je les ai regardé jouer et ils m’ont soudain fasciné. Je les ai enviés. Je les ai aimés pour leur jeunesse, leur insouciance, pour ce qu’ils représentaient. C’est-à-dire moi-même à leur âge. Même si j’ai grandi à l’autre bout du monde, je soupçonne ne pas avoir été très différent d’eux juste avant que ma vie ne prenne quelques tournants plutôt inattendus.

    J’ai soudain aussi compris une chose. J’ai compris ce que ressentaient les mecs de quarante voire cinquante ans qu’il nous arrivait de rencontrer parfois quand mes potes et moi avions 20 ans. Souvent sur des bords de mer en été la nuit, parfois à des concerts, dans des bars. Nous les fascinions. Ils essayaient de sympathiser avec nous, avec plus ou moins de succès selon leur degré de gaucherie. Paradoxalement, alors même que nous nous jurions de toujours « rester jeunes dans notre tête » même quand nous serons vieux,  nous trouvions souvent qu’ils avaient passé l’âge de « jouer aux jeunes » et nous nous sentions un peu gênés pour eux de se ridiculiser ainsi.

    Mais ce soir, tous ces mecs, je les comprends. Ce qu’ils ressentaient, c’était tout bêtement de la nostalgie. Et ils ne savaient pas comment y faire face.

    La nostalgie, ce sentiment souvent entrevu dans mes lectures, mes rencontres, mais jamais vraiment ressenti jusqu’à relativement récemment.

    Et ce soir, devant ces deux jeunes et leur guitare, il m’a frappé de plein fouet, ce sentiment. Moi aussi, j’ai été à deux doigts de vouloir me joindre à eux, mais je n’aurais fait que les gêner.

    Je me suis contenté d’un signe de tête, ce qui n’est pas rien dans ce pays où les inconnus s’ignorent complètement la plupart du temps. Il me fut rendu avec le sourire. J’ai continué mon chemin.

    J’eu soudain la drôle d’impression que le son provenant de leur guitare était un peu plus fort, comme s’ils voulaient me faire profiter de quelques accords de plus avant que je ne sois trop éloigné. Je doutais de la réalité d’une telle chose, jusqu’à ce que j’entende ces notes inoubliables pour quiconque a eu 20 ans au début des années 90.

    J’étais alors à plus d’une dizaine de mètres d’eux. Je me suis retourné. Exactement ce qu’ils attendaient.

    Un bras tendu vers le ciel, un signe de la main, un pouce vers le haut.

    Je pense qu’on s’est compris pendant ces quelques secondes.

    Je n’ai plus vingt ans.

    Mais mes 20 ans seront toujours quelque part auprès de moi.

     

    Smells Like Teen Spirit

     

     

     

  • Le métro : horreur et poésie

    Le métro : horreur et poésie

    Aujourd’hui : le métro sous-terre de contrastes.

    Le moche :

    La semaine dernière dans la jungle du métro parisien, deux lionnes se bagarrent une place sur un strapontin. En arrivant en gare, deux dames d’un certain âge, ayant une allure BCBG similaire et étant jumelle de  coloration de cheveux entrent dans  la rame en même temps. Les deux ont aperçu un strapontin vide. Les deux pénètrent dans le wagon en ayant pour cible le pauvre siège isolé. La mise au point de leurs rétines est concentré sur le fauteuil, elles font mine de ne regarder nulle part ailleurs. Le drame arrive lorsque leurs deux popotins souhaitent simultanément prendre place. S’en suit une succession  superposée de « mais ne vous gênez pas ! »  » Mais ne vous gênez pas » « humpf » « humpf »…  Tellement pathétique que ça en devenait drôle.

    Le beau :

    Il y a quelques minutes, une dame, une touriste japonaise, est assise dans un carré. Face à elle, une mère de famille est assise avec ses quatre enfants (sur deux sièges, c’est du sport mais elle le fait !). Des sourires sont échangés. Telle Mary Poppins, la dame sort de son sac des grues multicolores en origami et les distribue aux enfants émerveillés. Succès garanti sans un seul mot échangé.

     

  • Code Métro

    Code Métro

    Utiliser le métro parisien est une expérience codifiée. Il y a les utilisateurs de métro RATP Parisien et les autres…souvent des touristes.

    L’utilisateur Parisien « sait ».

    Le touriste ne sait rien et agace l’utilisateur Parisien.

    D’ailleurs, j’en profite…

    « Cher touriste,

    Merci de visiter Paris. Mais quand tu décides d’interrompre un usager dans sa lecture et son écoutage musical, il est bienvenu de le saluer en disant « Bonjour » et éviter de parler tout de suite en anglais.

    Merci, thank you, danke, gracias, arigato ect… »

    Revenons à nos moutons métros.

    Mes biens chers usagers, levez-vous

    Utiliser le métro peut être comparé une pratique rituelle religieuse. Dans une rame, les utilisateurs pratiquant savent quand il faut se lever des strapontins comme à la messe. Dans un wagon qui se remplit, il est de bon ton de ne pas utiliser des cm² négligemment en étant assis  sur un strapontin. A quoi reconnait-on un wagon assez plein pour être debout ou suffisamment vide pour être assis ? L’usager le sent, il sait.

    J’aime bien voir ce mouvement synchronisé : On arrive en gare, on vit le monde sur le quai et « hop », il n’y a pas de Danette mais tout le monde lève. Gare à celui qui reste assis quand la rame est pleine !

    Les grands n’ont pas de chance

    Plusieurs sources m’ont confirmé que les grands préfèrent rester debout si les strapontins sont occupés plutôt que de prendre une place libre dans un carré, pour cause de genoux qui touchent ceux des autres. On se touche beaucoup dans le métro (parfois trop…) donc si on peut l’éviter, les grands évitent. Merci à eux.

    Du positionnement ou la connaissance de la connaissance

    Les usagers se positionnent sur le quai en fonction de la localisation de leur sortie de métro. Dans la 9 avant Nation, beaucoup de personnes se trouvent en queue de train car elles vont prendre le RER A. Celles qui prennent la 6 à Nation se préparent à entrer dans le wagon au niveau de la machine Selecta à Maraichers. Certains passagers ayant connaissance de ces faits vont en profiter.  Il y a donc une méta-connaissance. Des usagers ayant un long trajet en perspective eux et souhaitant être assis vont entrer dans les wagons d’où beaucoup de monde vont descendre dans très peu de station.  Ainsi, pendant que les gens descendent et avant que les suivant ne montent, ceux-ci qui ont eu la révélation du positionnement peuvent s’assoir.

    Comprendre la subtilité du vocable

    « Rendez-vous au métro Rue du Bac », cela veut dire qu’on se retrouve en surface et non sur un des quais du métro.

    « Rendez-vous à Madeleine » ne veut pas dire « Rendez-vous sur les marches de l’église de la Madeleine mais au métro Madeleine – en surface –

    Dans les grandes stations type République, il convient d’indiquer le numéro de sortie à laquelle se retrouver.

    Encore une fois, celui qui sait le sait. (Aveux : je me suis fait avoir plusieurs fois en débarquant dans la capitale.)

    Du sexe des trains

    les métros sont féminins :

    • la une, la neuf, la quatre… sous entendu « la ligne une »

    Les RER sont masculins :

    • le A, le B… sous entendu « le RER A »
    Une sortie dans l’élégance
    poussez !

    Pour sortir du métro, il existe des types de porte différente selon les stations. Certaines sont des portes battantes qu’il faut pousser en appuyant où il faut. L’emplacement est indiqué par une zone verte mais je vous promets qu’il faut une « magic touch » pour les ouvrir. Il faut savoir faire.

    Les usagers le savent et quand on passe avec succès une de ces portes, on la maintient ouverte si un co-usager arrive pour sortir également.

     

  • Un petit quai de pub

    Un petit quai de pub

    Et oui, encore du métro aujourd’hui.

    Dans le métro, on peut regarder ses pieds, son pda, son livre ou les quais. Comment ça ? Que dites-vous ?  Vous pensez qu’on peut aussi regarder les autres gens … Ça va pas non ? Les autres gens pourraient me manger !

    Sur les quais j’aime bien regarder les nouvelles publicités. J’adorais celles pour les films de Canal Plus l’an passé. Le plus souvent, ce sont les publicités qui me semblent ratées qui me font réagir. Je ne parle pas de celles qui invitent les couples mariés à vivre pleinement leurs histoires extraconjugales.

    En voici quelques exemples :

    Envie d’aventure

    Raid en Guyane avec chauffeur
    • Je lis Raid et Aventure
    • Je lis Guyane
    • Je lis féminin

    J’imagine  :

    • une randonnée sportive en foret vierge façon publicité Hollywood Chewing-gum des années 80.

    Je vois :

    • un poolboy bien musclé  (garçon de piscine) qui promène des dames qui font la sieste.
    En route pour l’aventure…

    Du souci pour les  Sushi

    Google trad ? pas sure…

    (pub copinage des marécages : si vous voulez des bons sushis et de la vraie cuisine japonaise)

    Les humains sont plats

    Sur l’affiche de Dracula

    Je comprends le message mais quand même !

    Au secours !

    Celle là me fait juste flipper !
  • Métro, mon Karmamètre

    Utiliser le métro parisien est une expérience très personnelle et assez individualiste. Les minutes passées dans le réseau ont très souvent des répercussions sur les heures vécues à l’extérieur des tubes souterrain.

    Je passe au moins 90 minutes par jours ouvrés dans le métro. Une des répercussions de ce mode de transport sur ma petite personne est le fait d’y réfléchir beaucoup. Par exemple, comment se fait-il que toutes les personnes assises dans un même carré portent un jour des chaussures rouges ? Les plus rationnels d’entre vous me parleront de hasard et de proba et autres… Vous n’êtes pas fun ! Mais ce n’est pas ce dont je veux parler aujourd’hui.

    Analysons cette scène vécue :

    Ligne 9, station Maraîchers.

    Une dame était assise sur un strapontin. Beaucoup d’usagers entrent donc elle se lève et se positionne près d’un carré.  Je me positionne au niveau de son strapontin délaissé.

    Explication de son déplacement :

    En tant qu’usagère fidèle elle se doit de savoir que de nombreux passagers descendent à Nation, deux stations suivantes. Cela lui garantira sûrement une place pour le reste de son long voyage.

    Personnellement, quand la rame n’est pas archi-pleine, les gens qui bloquent la sortie des carrés me gonflent.

    Le train entre en gare de Nation. Aucune des huit personnes assises sur les places en carré ne sort. Pire, des gens descendent de la rame mais presque personne ne monte. Les strapontins peuvent donc être utilisés et je m’assoie. La dame a continué son chemin debout.

    Ma conclusion :

    Elle avait vraiment un mauvais karma ce jour-là, alors que le mien se portait bien.

    Le métro est un révélateur de notre niveau de karma. Le karma peut se mesurer sur l’arrivée du train, son remplissage, sa vitesse. D’où le côté très individualiste du métro, chacun ressent la négativité ou la positivité du métro différemment mais voici ma lecture de quelques cas possibles (hors drame).

    Karmamétre du Métro :

    • Bon karma : le métro arrive tout de suite, il y a de place, personne de pénible
    • L’univers vous ignore : le métro arrive dans deux minutes, RAS
    • Mauvais karma : le métro part quand on arrive sur le quai, pas de place assise seulement pour vous.
    • Si l’univers est contre vous : un métro plein de places libres part quand vous arrivez sur le quai et le suivant est dans 7 minutes et il arrivera bondé.
    • Si l’univers vous adore : vous tombez sur une connaissance sur le quai ou dans la rame.

    Personnellement, il m’en faut peu pour considérer que j’ai eu un bon trajet : une place et peu d’attente me conviennent. Réussir à faire un trois étoiles à Angry Birds est un plus appréciable 😉

    Un de ces jours, je vous parlerai de ma vision perso des codes du métro parisien.