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  • L’Abstention fait-elle le Jeu du Front National ?

    L’Abstention fait-elle le Jeu du Front National ?

    L’abstention fait-elle le jeu du Front National ?

    Depuis avril 2002, cela semble être une évidence pour de nombreuses personnes. On l’entend régulièrement à l’approche de pas mal d’élections, et en ce moment même, c’est un des arguments principaux de ceux qui pensent que refuser de choisir entre lequel des deux fléaux s’abattra sur la France d’ici peu c’est très mal, surtout si on est de gauche.

    Certes.

    Mais voyez-vous, personnellement, j’ai toujours du mal avec des phrases toutes faites, répétées à tout va et considérées comme des évidences par ceux qui les annoncent sur un ton péremptoires aux inconscients que nous sommes. Encore plus quand nos imprécateurs n’arrivent pas ensuite à expliquer le pourquoi du comment de leur sentence, sinon par un « Souviens-toi, 2002 !« 

    Désolé, mais moi, ça me suffit pas.

    Moi, si on me dit un truc comme ça, je veux des faits, des données objectives pour appuyer la chose.

    Et comme on est jamais mieux servi que par soi même, je suis allé les chercher ces données.

    Je vous les ramène ici sous forme d’un certain nombre de graphes.

    Essayons de voir ce qu’ils nous disent.

    Mais avant d’aller plus loin, je me dois quand même de mentionner mes sources – c’est important, les sources.

     

    Méthodologie & Sources

    Donc mes chiffres viennent du Ministère de l’Intérieur pour les élections les plus récentes, et de Wikipedia pour les autres. Oui, je sais, Wikipedia n’est pas toujours fiable pour tout, mais quand il est question de données brutes, elles-mêmes sourcées et vérifiables, il n’y a pas beaucoup d’inquiétudes à avoir. J’ai estimé qu’utiliser un site qui regroupe tous ces chiffres était plus pratique et rapide qu’aller tout chercher à droite et à gauche (dois-je vous rappeler que je fais tout ça bénévolement sur mon temps libre ?) Si cela ne vous convient pas, n’hésitez pas à venir me donner un coup de main.

    Les rares fois où je ne disposais pas de certains chiffres (on parle ici du nombre d’inscrits qui manquait parfois), je les ai calculés à partir des autres données disponibles. Ce nombre est parfois un peu inexact à quelques milliers de personnes près, cela est dû au fait que les pourcentages sont toujours réduits à deux décimales, donc retrouver une valeur absolue à partir de ceux-ci peut mener à quelques approximations. Notez que cela ne concerne que le nombre d’inscrits pour chaque élection. Tous les autres chiffres (nombre de votants, d’abstentions et pourcentages associés) sont les chiffres officiels.

    Je ne suis remonté que jusqu’à 1994, j’aurais pu remonter 10 ans plus en avant, depuis l’émergence du Front National. C’est un choix arbitraire.

    Notez aussi que pour les élections à deux tours, je n’ai pris en compte que les premiers tours (sauf pour les Présidentielles de 2002), le FN n’étant pas toujours représenté sur tout le territoire pour les deuxièmes tours de la plupart des élections.

    Finalement, quand les graphes traitent de valeurs absolues (nombre de personnes et pas pourcentages), j’ai mis de côté les élections cantonales puisque, à chaque scrutin, c’est seulement la moitié de la France qui vote.

    J’ai aussi exclu les élections municipales de cette étude : je ne sais pas si des chiffres nationaux existent, mais ils n’auraient que peu de sens.

     

    Résultats

    Commençons par le plus évident, celui auquel on pense en général en premier : comparer la courbe du pourcentage de votes pour le FN et celle de l’abstention :

     

    Comparaison du vote FN et du taux d'abstention en pourcentages de 1994 à 2017

     

    Mais je vous avoue tout de suite, personnellement, même si ce sont les premiers chiffres auquel on pense en général, je n’aime pas trop analyser des pourcentages, ceux-ci sont très souvent trompeurs. Encore plus dans le cas présent puisque ces pourcentages-ci ne représentent pas les même choses. Le pourcentage du FN représente la proportion de voix pour le Front National parmi les votants exprimés (non blancs, non nuls). Par contre le pourcentage de l’abstention est la proportion du nombre de personnes s’étant abstenues parmi les inscrits. Donc dans la courbe ci-dessus, on ne compare tout simplement pas la même chose.

    Elle n’est toutefois pas totalement à jeter. Elle est un bon rappel que l’abstention n’est pas quelque chose en constante progression comme on l’entend souvent dire (« Les Français ne votent plus ! L’abstention augmente ! »).

    Comme vous le voyez, l’abstention est en dent de scie. Cela est dû à la nature des élections, ou plutôt du rapport qu’ont les Français avec celles-ci : ils votent pour les Présidentielles, se contrefichent des Européennes (et ensuite ils blâment l’Union Européenne pour un peu trop de choses, mais c’est une autre histoire), et sont quelque part entre les deux pour les autres élections.

    C’est regrettable, personnellement, je pense que quelque part les Présidentielles sont presque les élections les moins importantes. Mais voila, la médiatisation et la « starification » des personnalités politiques associées à l’hyper-centralisation du pays fait que les Français se désintéressent souvent des élections qui ont parfois un impact bien plus grand sur leur vie quotidienne que de savoir qui va aller habiter à l’Élysée pendant quelques années.

    Mais revenons à nos moutons.

    Donc, les pourcentages sont pas la meilleure façon d’analyser ces données, passons donc aux chiffres bruts : le nombre exact de personnes ayant voté pour le FN et s’étant abstenues. (rappel : les élections cantonales ne sont alors pas prises en compte car ne concernant pas toute la population)

     

    Comparaison du vote FN et de l'abstention entre 1994 et 2017
    Cette fois, les deux courbes comparent des nombres de personnes, donc on peut les même en parallèle. Nous retrouvons les dents de scie de l’abstention. Nous voyons aussi une certaine augmentation de l’abstention, mais attention, ne pas oublier que la population du pays augmente, le nombre d’inscrits aussi, donc dans ce cas-ci, les pourcentages sont plus parlants.

    Quant au vote FN, il est lui aussi en dents de scie, certes moins prononcées. Et on voit effectivement une certaine progression : depuis 2012, les creux sont aussi importants que les pointes d’il y a 15-20 ans. Augmentation à toutefois prendre avec des pincettes (une fois de plus : population qui augmente, donc nombre de votants augmentant mécaniquement lui aussi).

    Par contre, nous avons là un début de réponse à notre question : est-ce que l’abstention favorise le Front National ?

    Ici, nous voyons que non seulement la réponse est clairement « non », mais c’est même le contraire : quand l’abstention baisse, le nombre de votants FN augmente. Et réciproquement : quand l’abstention augmente, le nombre de votants FN baisse.

    Depuis quelques jours, je vois une nouvelle expression envahir les réseaux sociaux (à croire qu’une ou plusieurs personnalités influentes y soient pour quelque chose, voire se seraient données le mot) : « abstention différenciée » (ou « abstention différentielle« ) qui dit en gros que les votants FN sont très motivés et ne s’abstiennent pas. Ceux s’abstenant seraient d’autres bords politiques. Et ce serait l’explication au fameux « L’abstention fait le jeu du Front National ! »

    Cela m’a toujours semblé bizarre. Qu’un petit groupe de nazillons soient très motivés, ça je le conçois. Mais, aujourd’hui, ils ne forment plus qu’une minorité de l’électorat FN. Le gros des électeurs FN, ce sont des gens en général plutôt pauvres et plutôt peu éduqués et qui se laissent séduire par les sirènes du Front National, quand le reste de la droite ne s’est jamais trop intéressée à eux et que la gauche les a perdus pour tout un tas de raisons que nous n’avons pas le temps de détailler ici. Pourquoi ces gens, plutôt désabusés seraient-ils plus motivés qu’une classe bourgeoise qui entend bien garder sa position dominante dans la société et y préserver ses intérêts ? Plus motivés que les militants de gauche qui sont de toutes les manifs et de toutes les contestations ? Plus motivés que les classes moyennes supérieures qui comptent bien préserver leur illusion que la France est un havre de paix, libre, égal et fraternel ? (OK, ces derniers, oui, je pense que c’est possible)

    Bref pourquoi seraient-ils plus motivés pour aller aux urnes que les autres Français ?

    Aucune raison particulière.

    C’est d’ailleurs aussi mon expérience personnelle. Comme beaucoup de monde, il y a parmi les membres de ma famille étendue un certain nombre de sympathisants FN. J’évite de trop parler de politique avec eux, mais ils ne se gênent pas souvent pour le faire avec moi ou avec quiconque passant à leur portée. Bien souvent leur discours c’est soit « Je vais voter Le Pen » soit « Je vais aller à la pêche, je vais pas perdre mon dimanche à aller mettre un bout de papier pour ces cons. Tous pourris ! Qu’est-ce que ça va changer que ce soit l’un ou l’autre de toutes façons !? »

    Bref, j’ai souvent l’impression qu’ils s’abstiennent même plus souvent que les autres.

    Sauf dans un cas.

    Pour revenir à notre graphe, nous voyons que quand l’abstention baisse drastiquement, le vote FN monte à chaque fois.

    Quelle pourraient en être la cause ?

    Il suffit de regarder de quelles élections il s’agit. C’est simple, comme mentionné plus haut, les élections avec un faible taux abstention sont les élections présidentielles. Elles sont aussi les élections où le FN fait les plus gros scores habituellement (mais les choses changent, voir les dernières Européennes : accident de parcours ou nouvelle tendance ? Nous verrons dans quelques années).

    Pourquoi ?

    Personnellement, je pense que c’est à cause de l’hyper-personnalisation de ces élections. Pour toutes les autres élections, on vote quand même plutôt pour un parti, aux Présidentielles, le parti est presque secondaire, on vote surtout pour un individu.

    Et c’est là qu’est la clé de la chose je pense. Ce qui attire certains électeurs ce n’est pas tant le Front National (d’où de faibles scores la plupart du temps) mais la marque Le Pen.

    Malgré tous ses défauts, le père était très charismatique, même si c’est le charisme que peut avoir un gros porc bruyant et sale foutant le bordel dans une cocktail party huppée. Parmi toutes ses techniques empruntées aux partis totalitaires, celle du culte du chef n’est pas la moindre. C’est pas non plus un hasard si c’est sa fille qui lui a succédé. Même si elle a un certain talent à arriver à se faire passer pour respectable ce n’est pas ça qui l’a aidée à monter les échelons du pouvoir interne du FN. Elle y a surtout réussi grâce à son nom de famille et les appuis qu’il lui a apportés. Et c’est encore le cas aujourd’hui. On ne le saura jamais, mais si Jean-Marie Le Pen avait été remplacé par quelqu’un d’autre, je suis persuadé que le FN serait rapidement redevenu un parti mineur.

    Oui, je pense vraiment que le culte du chef joue un très grand rôle dans les succès du FN aux Présidentielles, mais avant de jeter la pierre, je pense aussi que c’est le culte du chef qui fait que les Présidentielles sont les élections qui ont le moins d’abstention, ou que tout le monde pousse des cris d’orfraie quand un candidat majeur refuse de s’adonner à l’exercice douteux des consignes de vote. Non, le culte du chef n’est pas l’apanage de l’extrême-droite, c’est plutôt même un des moteurs principaux de l’élection présidentielle.

     

    Ce qui nous amène au graphe suivant.

    Puisque les Présidentielles sont une anomalie dans le paysage électoral français, concentrons-nous sur celles-ci.

    Voici donc le nombre de voix reçues par les Le Pen depuis 1995 (j’aurais pu inclure 1988, mais je ne suis simplement pas remonté jusque là, je ne pense pas que cela aurait changé grand-chose) :

     

    Votes FN et abstention pour les élections présidentielles entre 1995 et 2017

     

     

    Là, deux choses sautent aux yeux. La première c’est qu’il semble effectivement y avoir une corrélation entre l’abstention et le vote FN. Toutefois, cette corrélation semble débuter à partir deuxième tour des élections de 2002.

    Cela m’interpelle un petit peu. Voyez-vous cette rengaine « L’abstention fait le jeu du FN » est devenue populaire au lendemain du premier tour des élections de 2002.
    Or, lors de cette élection-là, où l’abstention avait été très forte, le score du FN n’était pas si élevé que ça. Le nombre de votes supplémentaires par rapport à l’élection de 1995 est presque négligeable.
    Il est établi aujourd’hui par quiconque s’est penché sérieusement sur la question que la qualification de Le Pen au second tour n’est pas due à ni une quelconque poussée du FN, ni à l’abstention, mais bel et bien à la démultiplication des candidats de gauche qui a fait éclater l’électorat. Il n’y a que 200 000 voix d’écart entre Le Pen et Jospin. Si Christiane Taubira ne s’était pas présentée, Jospin était qualifié. Si Chevènement ne s’était pas présenté, même avec Taubira candidate, non seulement Jospin se qualifiait pour le second tour, mais il passait même devant Chirac.

    Pourtant, c’est bien au lendemain de cette élection que l’abstention – et donc les abstentionnistes – se sont soudain retrouvés accusés de la qualification de Le Pen au second tour. Quelle est la source de cette grossière erreur ? Honnêtement, je ne le sais pas. Je n’étais pas en France à ce moment-là. L’internet français commençait tout juste à vraiment se démocratiser. Les réseaux sociaux n’existaient pas encore. Mes sources quant à savoir ce qu’il se passait en France étaient assez limitées à ce que m’en disaient mes proches, les rares forums que je fréquentais, ainsi que quelques sites des grands journaux, en gros.

    Et l’ironie de la chose, c’est que, pour le deuxième tour, l’abstention a baissé et le nombre de votants pour Le Pen a augmenté. Y a-t-il rapport de cause à effet ? Difficile à dire, mais je pense que non, que cette progression de Le Pen entre les deux tours est due au report de voix de Mégret.

    Par contre, depuis 2002, point de doutes, les deux courbes se suivent en parallèle. Attention toutefois, corrélation ne veut pas forcément dire causation –  c’est même pour cela qu’analyser des données est un exercice difficile. Quoiqu’il en soit, s’il y a eu une baisse des deux en 2007, les deux montent de manière régulière depuis.

    Je me trompe peut-être, mais je pense que l’on peut expliquer la baisse de 2007 ainsi : Sarkozy ayant largement ratissé sur les terres et thèmes du FN, il a réussi à récolter un certain nombre de ses voix d’un côté. Et de l’autre, le battage médiatique fait contre l’abstention depuis 2002 a porté ses fruits pour les élections de 2007.

    Mais depuis, les deux remontent régulièrement (si on se limite aux présidentielles, si on suit la courbe de toutes les élections, c’est une autre histoire, cf plus haut). Toutefois, j’ai du mal à voir comment la monter de l’un puisse entraîner la montée de l’autre.

    Je sais que dans ce déjà trop long texte je veux à tout prix essayer d’éviter les suppositions et autres conjectures mais je vais devoir ici m’avouer vaincu et me laisser aller à certaines.

    Première supposition : Je ne pense pas que l’une cause l’autre, mais je pense que les deux ont la même cause. En gros, un dégoût de la politique telle qu’elle se fait depuis longtemps et de plus en plus. Celle qui fait dire à certains « Tous pourris ! » Celle qui fait que d’autres vont se jeter sur n’importe quel candidat estampillé « nouveau » quelles que soient les choses qui se cachent derrière ce candidat (oui, je fais allusion à Macron). Celle qui fait qu’on puisse se dire que voter ne sert plus à rien. Celle qui fait qu’on est prêt à écouter n’importe quelle personne prétendant s’adresser à vous, elle au moins, contrairement aux autres, même si elle s’appelle Marine Le Pen et qu’on est issu d’un milieu ouvrier, traditionnellement ancré à gauche, et que jamais on se serait cru voter pour elle un jour.

    Si on rajoute les politiques menées ces dernières années toujours plus inspirées de l’extrême-droite (de Sarkozy à Valls), là aussi, ne plus vouloir voter, ou vouloir préférer l’original à ces opportunistes est compréhensible.

    Donc personnellement (je me réserve le droit de me tromper), je ne pense pas qu’il y ait lien de cause à effet entre abstention et vote Le Pen, mais que l’augmentation ou la baisse des deux lors des élections présidentielles  à la même cause : une certaine oligarchie toujours plus puissante, toujours au détriment des classes économiquement inférieures de la population.

    Deuxième supposition, peut-être un peu alambiquée : nous avons vu que cette corrélation apparaît après le premier tour de 2002, donc après toutes ces attaques parfois assez violentes contre les abstentionnistes (un peu comme en ce moment quoi). Le Français est parfois tête de lard et a très souvent l’esprit de contradiction. Et si certains hésitant entre voter et s’abstenir, lors d’élections présidentielles, décidaient finalement de s’abstenir, essentiellement agacés par tous les donneurs de leçons lui disant que s’abstenir c’était très mal, presque plus mal que de voter Le Pen (vu comment ils se font plus attaquer que les électeurs de Le Pen, il y a de quoi se poser la question). Et si « l’abstention fait monter le FN ! » était en fait une prophétie auto-réalisatrice ?

    Je n’ose le croire et pourtant…

     

     

    Je vais bientôt terminer cette analyse qui est déjà bien trop longue avec quelques graphes de plus, qui pourraient être instructifs (sur notre sujet ou un autre)… ou pas…

     

    Nombre de votants, voix FN et abstention entre 1994 et 2017

    Celui-là résume un peu le tout : en noir l’évolution du nombre de personnes votant FN depuis 1994, en  bleu-ciel, le nombre de gens votant pour quelqu’un d’autre et en rouge le nombre d’inscrits ne votant pas.

    Ce graphe n’est pas indicateur de grand-chose sinon d’une chose. L’abstention différenciée invoquée plus haut sembler exister à un niveau et un seul : l’électorat FN se déplace aux urnes de manière relativement régulière quelle que soit l’élection, les autres électeurs s’intéressent surtout aux présidentielles. Donc si on compare une élection non-présidentielle avec une élection présidentielle dans leurs successions, oui, on peut peut-être parler d’abstention différenciée. Mais nous avons déjà vu qu’il valait mieux traiter le cas des présidentielles un peu à part.

     

    Le graphe suivant découpe l’électorat entre pourcentage des inscrits qui votent FN (noir), qui s’abstiennent (rouge) et qui vote pour quelqu’un d’autre (bleu dégradé).

     

     

     

    Bon, pas trop grand chose à tirer de ce graphe qui n’a déjà été dit. Il s’agit juste d’un graphe plus satisfaisant que le tout premier de ce post, puisqu’ici tous les pourcentages (vote FN et abstention) sont exprimés en pourcentages d’inscrits. Nous y voyons ce que nous avions déjà vu : quand l’abstention baisse, le pourcentage de gens votant FN augmente.

     

    Pour le prochain graphe, nous restons dans les pourcentages d’électeurs inscrits mais en nous concentrant sur les Présidentielles :

    Votes FN et abstention en pourcentages d'inscrits pour les élections présidentielles

     

    Celui-ci, c’est un peu le même, mais avec un nombre d’électeurs :

    Nombre de votes FN et abstention pour les élections présidentielles entre 1995 et 2017

     

    Ces deux derniers graphes reprennent plus ou moins les informations de notre troisième courbe, sauf qu’ils la modèrent un peu. Certes, il y a augmentation et du vote FN et de l’abstention pour les Présidentielles depuis 2007, mais cette progression n’est pas si forte que ça finalement, et l’abstention progresse plus que le Front National. Donc la relation de cause a effet n’est pas du tout prouvée.

     

    En Conclusion

    Nous y arrivons enfin.

    Qu’avons-nous appris ?

    Que de manière générale, une forte abstention ne cause pas une augmentation du vote du Front National. C’est même en fait le contraire qu’il se passe en général et à l’exception des élections présidentielles.

    Pour celles-ci, depuis 2007, mais depuis 2007 seulement (et donc pas en 2002, il faut le souligner encore et encore), il y a une certaine augmentation, et de l’abstention, et du vote FN, mais le lien entre les deux semble plutôt être une cause commune aux deux phénomènes, surtout que l’abstention augmente plus vite que le vote FN.

    Voila, si tout cela vous a intéressé, la meilleure façon de montrer votre reconnaissance c’est de partager ce post autour de vous.

    Si vous trouvez des erreurs, soit dans mes graphes, soit dans mes raisonnements, n’hésitez pas à les signaler et je corrigerai (ou pas, si c’est vous qui vous trompez).

    Si vous souhaitez utiliser certains de ces graphes sur votre propre site, n’hésitez pas, mais à condition de nommer votre source (le site www.swamp.fr donc avec un lien vers ce post-ci – pas la homepage du site). Merci d’avance.

     

     

  • Moralisme Electoral

    Moralisme Electoral

     

    Il y a un truc qui me soûle à peu près à chaque élection. C’est le fait qu’un certain (et conséquent) nombre de personnes se sentent obligés de faire la morale dès que vient le temps de choisir un nouveau monarque.

     

    L’abstentionnisme c’est le mal !

    En tête de cette morale, nous avons, la lutte contre l’abstentionnisme.

    Je n’en peux plus d’entendre jusqu’à plus soif en période électorale des « Mais surtout allez voter ! » « Il faut voter ! » « Si vous ne votez pas, la fin du monde arrivera. » « Ceux qui n’ont pas voté n’auront pas encore le droit d’avoir une quelconque opinion sur le résultat des élections. »

    Décidemment, la machine à laver le cerveau politico-médiatique a bien fonctionné.

    Ils oublient juste deux choses :

    1. Voter est un droit et non un devoir, chacun est libre ensuite de disposer de ce droit. Choisir de ne pas en faire usage n’ote nullement au citoyen concerné ses autres droits, y compris celui de protester contre le gouvernement mis en place.

    Élections, piège à… ?

    2. Ne pas voter est devenu dans l’inconscient collectif (inconscient dans le sens irréfléchi bien entendu) synonyme de je-m’en-foutisme, d’inconscience (justement), de manque de respect de ceux qui se sont battus pour qu’on puisse voter (le fait que le contexte et les circonstances ne soient pas comparables leur échappant totalement). Sauf que dans la pratique, c’est rarement le cas.

    La plupart (je n’ose dire « la grande majorité » mais je le pense) des abstentionnistes le sont de nos jours – non pas parce qu’ils oublient de voter ou qu’ils s’en fichent (j’en connais toutefois) – mais parce qu’ils font l’acte conscient et réfléchi de ne pas voter. Il existe tout un tas de raisons à cela, je ne vais pas les détailler à moins que vous y teniez vraiment. Je citerai, entre autres, ceux qui pensent que les élections ne sont plus de nos jours qu’une vaste mascarade, que le choix qui nous est proposé n’en est pas un et ne sert qu’à se rendre coupable de perpétuer un système en refusant de le remettre en cause ; en gros on peut toujours choisir en Coca et Pepsi, au final, on boit toujours du Cola. C’est, d’ailleurs, je pense la raison principale pour laquelle les autorités – politiques, médiatiques et autres – mettent tellement un point d’honneur à diaboliser l’abstention. Autoriser un débat et une discussion sains autour de celle-ci serait autoriser à remettre en cause et à réfléchir sur les rouages de la démocratie telle qu’elle nous est proposée (on pourrait dire « imposée ») et ça vous comprendrez qu’ils ne peuvent l’accepter.

    Je pourrai aussi citer ceux qui voudraient bien voter blanc, mais comme ce vote-là est considéré comme nul, ils préfèrent ne pas voter ; l’abstention ayant aujourd’hui plus de poids qu’un vote blanc dont personne ne parle et auquel personne même ne pense (quelque chose me dit que si le vote blanc était inclus dans les résultats finaux – et qu’il pourrait donc influer sur le résultat de l’élection – l’abstention serait beaucoup plus faible).

    Je suis sûr qu’il y a tout un tas d’autres raisons tout aussi valables les unes que les autres et auxquelles je n’ai pas pensées.

    3. Je disais « deux choses » au-dessus, mais il y en a une troisième. Ceux qui ne peuvent pas voter. Ils sont peu nombreux, mais contrairement à ce que peuvent penser certaines personnes aveuglées par une révérence un peu trop prononcée pour les institutions, cela existe. Je pense en particulier aux Français vivant à l’étranger. Ceux qui ne vivent pas à proximité d’un consulat n’ont bien souvent pas d’autre solution que celle de s’abstenir qu’ils le souhaitant ou non. Le Quai d’Orsay fait tout pour occulter ce fait, à grands coups de pubs mensongères sur toutes les facilités soit disant mises en place pour permettre à tous de voter, mais croyez-moi c’est du vent. Facilité de procuration ? Quand on vit à plusieurs centaines de kilomètres d’un consulat, bien souvent, tous les gens à qui l’on pourrait faire cette procuration n’ont pas plus de facilités que vous à se rendre sur place. Oh, et un détail : pour pouvoir établir la procuration, il faut se rendre… au consulat. Et le vote par correspondance ? Vous penseriez qu’au 21e siècle, la République Française aurait enfin mis en place une telle chose. La réponse est oui ! Mais pour les législatives seulement, pas pour les présidentielles (pourquoi ? aucune idée). Bref, pour les expatriés, bien souvent, l’abstention n’est pas un choix, mais une obligation. Je parle d’expérience. D’ailleurs, il fut suffit de regarder le taux d’abstention des Français à l’étranger qui dépasse presque toujours les 50%.

     

    Le vote utile, le vote par conviction, le vote pour un programme, pour un candidat, contre un candidate, pour des idées, etc.

    Si vous avez toutefois décidé de voter, et pensez donc échapper au moralisme ambiant, détrompez-vous, il vous attend au détour d’un bureau de vote !

    Peu importe le fait qu’il existe tout un tas de raisons pour voter, que chacun a les siennes, et qu’il n’en existe pas une qui soit la bonne dans l’absolu, vous trouverez toujours quelqu’un qui pensera que sa façon de voter à lui est meilleure que la vôtre.

    Et donc quel que soit votre méthode de vote, il y en aura pour vous dire avec le ton le plus péremptoire possible qu’on ne vote pas utile, mais pour ses convictions, que l’on ne vote pas contre un candidat, mais pour des idées, qu’on ne vote pas pour une personne, mais pour un programme. Je pourrais continuer comme ça pendant encore plusieurs lignes, mais ce petit coup de gueule commence à être un peu trop long déjà.

    Bref, la dernière fois que je me suis penché sur la chose, il me semblait qu’il n’y avait pas de mode d’emploi livré avec la carte d’électeur, contrairement à ce que pensent bon nombre de mes concitoyens.

    Tout ceci était pour vous dire, en gros, qu’il faut arrêter un peu avec ces velléités à devenir un père-la-morale à chaque fois qu’est venu le temps de mettre un bout de papier dans une urne. Il me semble – mais je peux me tromper – que nous sommes encore dans une démocratie, et qu’une des composantes de la chose, c’est de pouvoir faire ce que l’on veut dans un cadre donné (en général donné par la loi) et la façon dont on utilise ou pas son bulletin entre dans ce contexte.

    Mais bon, je ne vais quand même pas vous laisser sans faire un poil de morale moi aussi : ceux qui ont voté pour Sarkozy et pour Le Pen sont vraiment des salauds.

    À bon entendeur.