Depuis la « marche » du 11 mars, nous sommes nombreux à nous interroger, voire à ironiser, sur les pays représentés – parfois par de très hauts dirigeants – aux côtés de François Hollande sur les quelques centaines de mètres faits à pied sur le boulevard Voltaire (entre tous les boulevards possible de Paris, il a fallu que cela tombe sur celui portant le nom d’un des plus grands défenseurs de la liberté d’expression).
Certains parlent d’hypocrisie… Je ne sais pas si c’était vraiment de l’hypocrisie. En fait, depuis le 7 janvier, j’ai vraiment envie de m’essayer au dessin de presse. Le seul hic (comme vous l’avez certainement vu dans mon post précédént) c’est que je ne sais pas dessiner.
Dommage…
J’aurais su dessiner, j’aurais fait un dessin dans ce genre-là :
Et je l’aurais agrémenté d’un texte disant que ce n’était pas de l’ironie du tout. Tous ces dirigeants sont venus avec des buts bien précis. D’ailleurs, certains d’entre eux s’étaient invités d’eux-mêmes à la petite sauterie, le Quai d’Orsay ne pouvant refuser sans risquer l’incident diplomatique (n’est-ce pas Benyamin Netanyahou ? Je suis sûr qu’il n’est pas le seul).
J’aurais parlé de ceux qui sont venus se renseigner sur le genre de titres que sont un certain nombre de publications françaises pour savoir quoi interdire, comme nous l’on montré l’interdiction de Marianne au Maghreb, trois jours après que la Tunisie et l’Algérie soient venues à cette marche (au moins le Maroc aura eu l’honnêtement intellectuelle de ne pas y participer). Ensuite, il y a tous les pays du Golfe Persique qui bien sûr n’ont absolument rien à foutre de la liberté, celle de la presse, ça doit être un concept qui leur est totalement étranger. S’ils sont venus en France c’est pour montrer à quel point ils ne sont pas copains avec ISIS (EI? IS? Daesh? Je m’y perds un peu dans le nom du truc) et Al Qaeda. Pas grave si sans l’Arabie Saoudite, ces groupes terroristes n’existeraient certainement pas. D’ailleurs, aujourd’hui j’ai appris (ou peut-être hier, je ne sais pas) que l’athéisme est désormais considéré comme du terrorisme en Arabie Saoudite. Vraiment quel charmant pays. Le Bahreïn et le Qatar ne valent bien sûr guère mieux. Je ne m’étendrais pas sur la récupération même pas dissimulée du drame par Netanyahou, quand le lendemain, il a plus ou moins dit aux Juifs français qu’il était venu voir que la France n’était qu’un sale pays d’antisémites. Si je le traite de sale connard, ça fait de moi un antisémite aussi ?
Bref, tout ce beau monde n’était pas là par hasard… Loin de là…
Mais bon, comme je ne sais pas dessiner, je ne parlerai pas de tout cela…
Bon sang !
Je le sais pourtant qu’il ne faut pas lire les commentaires sur les sites d’infos, et encore moins prendre part aux « discussions ».
Je n’ai pas d’autre excuse que : « je me suis fait prendre par surprise ». Déjà, c’était pas un site d’info, c’était sur Google+, et puis c’était un post de Libé. Je pensais que j’étais en terrain sûr. Si on cumule Google+ et Libé (même si je ne suis pas trop fan du journal) on se dit que nos interlocuteurs ne vont pas être trop bas du front.
Et pourtant même là.
Le choix de cette image pour illustrer cet article est bien entendu complètement anodin.
Le post en question était à propos de la dernière éructation en date (au moment où j’écris ces lignes, il y en aura d’autres) de la grosse conne bleue marine concernant sa phobie de la double nationalité.
Une femme commente alors : « Je n’ai jamais trop compris le pourquoi de cette double nationalité, donc, que ça disparaisse, ma foi…. »
N’imaginant pas une seconde que l’on puisse sincèrement ne pas comprendre le pourquoi d’avoir une double-nationalité, je pense à un troll. Je l’allume un peu, elle se vexe. Oups, ce n’était pas un troll.
La discussion continue un peu, je lui parle de multiculturalisme, de la dimension légale de la chose, tout ça. J’essaie aussi comprendre ce qu’elle ne comprend pas. Elle me répond ceci (je vous laisse les divers fautes d’orthographe et de grammaire):
C’est justement ça que je ne comprends pas : double nationalité !!!
on né dans un pays, on est de ce pays
on doit déménager et vivre ailleurs, soit on reste du pays d’origine et donc un « étranger » ou « résident travailleur » (je ne sais plus le terme), soit on change et on prend celle où on bosse. La 1ère reste une « origine ».
Tu dis « À ne pas être considéré comme un étranger dans son propre pays » , mais dans ce cas, c’est quoi « son propre pays » ?
Un mec (et/ou avec sa famille) vient en France pour bosser, sa famille est là, à l’école, etc. Pourquoi ne pas demander la nationalité française?
Double nationalité me fait penser à une « résidence secondaire ».
Dans quel cas tu as la double nationalité? Et jusqu’à quelle génération ? »
Enfin, non, je ne comprends pas !
Puis ceci:
et « multiculturalisme » n’est pas une RAISON à la double nationalité, c’est, déjà, si tu le veux, et ensuite, c’est une CONSÉQUENCE à une vie dans un autre pays .
Je pars en Italie, déménage, parle, travaille, ai une vie de famille en Italie, je demande à devenir italienne, et ma culture s’enrichira de celle italienne et mes enfants seront riches naturellement de ces 2 origines.
Ce n’est pas en ayant 2 nationalités qu’on veut devenir multiculturel »
Je ne sais pas pourquoi – drôle d’idée, je sais – j’ai pensé que si je lui répondais en détails, peut-être apprendrait-elle un truc ou deux. Alors j’ai passé de longues minutes à essayer de tout bien expliquer comme il faut.
Sa réponse fut en gros « tu m’énerves, de toutes façons, je n’ai lu que le premier paragraphe »…
Ça m’apprendra à essayer de rendre les cons moins cons.
Mais, comme je la trouvais quand même vaguement instructive ma réponse, et qu’il y a peut-être des gens un peu plus ouverts d’esprit qu’elle (en a-t-elle même un ?) il serait dommage qu’elle disparaisse au milieu de tout un tas de commentaires dont la plupart était stupides voire nauséabonds.
Et comme je suis en train d’essayer de réanimer ce blog depuis un moment (avec même des collaborateurs, s’ils ne me font pas faux bond), pourquoi pas faire d’une pierre deux coups et reposter ma réponse ici ?
Dont acte:
La double nationalité, pourquoi ?
Bon, je vais essayer d’expliquer, mais j’avoue que ça ne va pas être facile : ça me semble tellement évident et ça me semble tellement étrange que quelqu’un se pose la question, que c’est quelque chose que je n’ai jamais verbalisé auparavant, donc je n’ai pas de réponse toute faite et bien rodée à la question, je suis ici sans filet.
Déjà, n’oublions pas que la « nationalité » c’est pas une chose, mais bien deux. Deux choses qui sont souvent amalgamées, soit par ignorance, soit par mauvaise foi, soit à dessein, soit par mauvaises intentions selon les cas.
La nationalité, c’est un sentiment d’appartenance à un peuple, à une nation. Cela s’exprime de plusieurs manières selon les peuples, les nations, les époques et les individus. C’est dans ce sentiment que certains politiques puisent pour manipuler les gens de manières diverses et variées (les politiques américains pour justifier leur impérialisme et leurs politiques étrangères, la droite et l’extrême-droite françaises – il est de plus en plus difficile de les distinguer, je l’avoue – pour attiser les haines dans le pays, trouver des boucs émissaires, tout cela pour gagner plus de pouvoir, et tant pis si cela peut avoir des conséquences catastrophiques pour le pays et surtout ses citoyens). C’est aussi dans ce sentiment que l’on trouve sa culture, son identité, non en tant qu’individu, mais en tant que membre d’un groupe auquel on appartient (car l’homme reste un animal grégaire et tout cela en est la conséquence).
La nationalité, c’est aussi un ensemble de lois. Avoir une nationalité donnée c’est aussi disposer de certains droits et devoirs sur certains territoires géographiques.
Prenons votre exemple de l’Italie (même si ce n’est pas le meilleur exemple, vu que la situation avec les pays de l’UE est un peu spéciale) :
Si vous partez vivre en Italie et y faites votre vie de manière plus ou moins définitive, peut-être souhaiterez-vous tôt ou tard acquérir la nationalité italienne. C’est tout à fait normal. Mais ne voudriez-vous pas non plus garder la nationalité française ? Très probablement que oui. Que ce soit pour des raisons de cœur (attachement à la mère patrie, ce genre de choses) ou des raisons plus pratiques : liberté d’aller et de venir d’un pays à l’autre sans restriction légale, visa ou autre. Chose sans importance pour citoyens des pays membres de l’Union Européenne – c’est pour cela que l’exemple de l’Italie n’est pas le meilleur exemple – mais qui en revêt une toute autre d’importance entre deux pays qui n’ont pas d’accords spéciaux, ou bien deux pays qui ne sont pas forcément en très bons termes.
Et que se passerait-il si un jour vous deviez quitter l’Italie pour quelle que raison que ce soit (raison familiale qui vous pousse à vous réinstaller brusquement en France, guerre entre la France et l’Italie qui éclate, ou tout simplement raisons économiques) ? Si à ce moment-là vous n’êtes plus française, si vous êtes seulement italienne, vous vous retrouverez étrangère dans votre propre pays.
C’est ça avoir la double nationalité. C’est ça ne pas être étranger à son propre pays, ou à ses propres pays. Et la naturalisation est l’ une des façons de l’acquérir.
L’autre façon, c’est justement le multiculturalisme.
S’installer dans un pays autre et y faire sa vie vous rendra vaguement multiculturel, mais votre culture profonde restera celle du pays où vous avez grandi.
Car attention, quand je parle de multiculturalisme plus haut, vous le comprenez dans le sens inverse. Le multiculturalisme n’est pas une conséquence de la double nationalité, mais bien le contraire. Le multiculturalisme est bien souvent à la source de la double nationalité.
Continuons avec l’exemple de votre nouvelle vie hypothétique en Italie. Que vous soyez naturalisée italienne ou non, peut-être y aurez-vous des enfants. Peut-être que leur père sera même italien, de fait, ils seront biculturels à un degré ou à un autre. Et même s’ils sont nés en France de père français, s’installer en Italie à un jeune âge les rendra biculturels bien plus que vous ne le serez jamais.
Quid de leur nationalité ? Italienne ? Française ? Les deux ? Une fois de plus, s’il est possible d’avoir les deux, cela me semble être le choix le plus logique.
Voila, j’espère que cela est un peu plus clair pour vous.
Au cas où j’ai oublié des éléments dans mon laïus, je réponds aussi à vos questions point par point :
Quand vous demandez « c’est quoi son propre pays » le fait est qu’il y a pratiquement autant de réponses qu’il y a de gens. Les choses ne sont pas aussi simples que l’on veut vous faire croire.
C’est quoi votre pays après 20 ans dans un pays autre que celui où on a grandi ? C’est quoi votre pays quand vous avez changé plusieurs fois de pays de résidence au cours de votre vie ? C’est quoi votre pays quand vos parents sont d’origines différentes l’un de l’autre ? etc.
« Pourquoi ne pas demandez la nationalité française ? »
Ben, justement, les gens ayant double nationalité en France, c’est bien souvent parce qu’ils sont nés ailleurs, se sont installés en France et et ont demandé la nationalité française. Doivent-ils pour autant renoncer à leurs origines, à leur culture, à leur premier pays, surtout quand leur famille vit encore là-bas ? Je reprends ce que je disais plus haut : abandonneriez-vous la France, votre famille restée sur place et tout le reste si vous partiez vous installer définitivement en Italie ?
« Dans quel cas a-t-on la double-nationalité ? »
Il existe presque autant de cas que de pays. Chaque pays a (ou n’a pas) d’accord particuliers et de lois particulières concernant la chose. Certains pays l’acceptent, d’autres non, d’autres s’en fichent, etc. Si vous voulez plus de détails, vous pouvez en trouver sur le site officiel de l’Administration Française.
« Jusqu’à quelle génération? »
Les naturalisations et nationalités sont attribuées à des individus, non à des familles, donc le cas de chaque personne est étudié individuellement, on n’a pas – en général – de double-nationalité de génération en génération, avec toutefois quelques exceptions : si vos deux parents sont de même double-nationalité, il se peut que vous puissiez en disposer vous aussi, mais là aussi, cela variera d’un pays à l’autre.
En espérant que tout cela vous a un peu mieux aidé à comprendre et je terminerai en reprenant ceci : n’oubliez pas que ce n’est pas en ayant la double nationalité que l’on devient multiculturel, mais bien parce que l’on est multiculturel que l’on peut souhaiter avoir une double nationalité.
La double nationalité est au final quelque chose d’à la fois très personnel et dépendant des lois d’un ou plusieurs pays, mais surtout la double nationalité de quelqu’un n’a aucune influence sur la mono nationalité d’un autre, et vouloir instrumentaliser la chose comme certains le font (suivez mon regard) ne sert qu’à créer des problèmes là où il n’y a pas de raison qu’il y en ait, à créer des boucs émissaires et à monter les gens les uns contre les autres (pour ensuite profiter de ces inimitiés créées de toutes pièces et tant pis si cela provoque des drames ou pire).
Depuis que j’ai de nouveau quitté la France, j’avoue avoir vraiment du mal à m’intéresser à l’actualité quotidienne, cette obsession qu’a mon pays avec l’affaire machin ou bien la polémique provoquée par la petite phrase de bidule me semble encore plus dérisoire vue de loin qu’elle ne l’était déjà quand je vivais encore au pays.
Mais depuis quelques mois, il y a quand même quelque chose qui m’a interpellé : ces jours-ci on s’est rapproché un peu plus du credo national et en même temps on s’en est terriblement éloigné. Vous savez, ce truc qui parle de liberté, d’égalité et de fraternité.
Je pense que vous avez compris ce à quoi je fais allusion. Le vote légalisant le mariage gay bien entendu. « Mariage pour tous » qu’ils appellent ça au pays. Drôle d’appellation, mais bon passons : une des dernières ségrégations légales existant en France est tombée et ça c’est quelque chose de bien. Vraiment. Égalité, tout ça…
Mais là où la surprise est venue, en 2013, alors que moi et beaucoup d’autres trouvons cette loi évidente et due depuis plusieurs années, c’est que le loup est sorti du bois.
Je savais que mon pays avait du mal à se débarrasser de la frange la plus puante de sa pensée (raciste, xénophobe, autoritariste, etc.) mais je pensais que l’homophobie et l’intégrisme religieux avaient été relégués ces dernières années dans les coins les plus sombres et minuscules de notre pays.
Voilà que cette avancée de notre société les a fait ressortir au grand jour. J’avais été trop optimiste de penser qu’ils avaient presque disparus. Ils étaient toujours bien présents, juste cachés. Ils ne le sont plus.
Quelles vont en être les conséquences ?
Nul ne le sait. Mais ce que je voyais déjà il y a quelques années et que je vois de plus en plus, c’est que la partie « fraternité » de notre République part de plus en plus en lambeaux. Même si je voudrais blâmer Nicolas le très petit, ancien Résident de la République pour avoir monté les Français les uns contre les autres au cours de ses cinq années de gesticulations, je crains que le terreau et les graines étaient déjà bien là, il n’a fait que les cultiver et pousser.
J’ai de plus en plus l’impression que la France est devenue un pays où les Français se détestent de plus en plus les uns les autres. Et cela m’attriste grandement, c’est pas avec cette attitude que les choses vont aller mieux. C’est plutôt d’esprit d’union et justement de fraternité dont la France aurait besoin de nos jours. Je pensais naïvement que justement, le mariage gay allait être un pas vers cette union, que les Français allaient réaliser en masse que oui, c’était ridicule qu’au 21e siècle certains couples ne pouvaient se marier ou adopter en notre pays pour des raisons issues d’un autre âge. Mais non, certains vivent encore dans cet autre âge. Certains voudraient encore refuser à leurs concitoyens de disposer des mêmes droits qu’eux.
Une honte.
Mais finissons sur une note positive :
Amis gays, amies lesbiennes, les arrière-gardistes pourront hurler tout ce qu’ils veulent, vous pouvez désormais fonder des familles, vous êtes désormais des citoyens à part entière.
Mes félicitations à vous toutes et tous.
(credits photos: 1. G.Julien/AFP – 2. photographe inconnu, site source)