Étiquette : Jeunesse

  • Vous connaissez Batman ?

    Vous connaissez Batman ?

     

    « Euh… Pas personnellement… »

    Comme vous le savez peut-être, je suis désormais prof d’anglais pour de jeunes Japonais. J’enseigne à la fois dans une école de langues pour enfants et dans un collège-lycée privé (appelons-le BigHand High School).

    Ce matin, à Bighand, je fus surpris de voir que l’une de mes étudiantes, Riko, possédait un sac ressemblant plus ou moins à celui ci-contre.

    Surpris, car je ne l’imaginais pas du tout être du style à avoir un sac à dos Batman, quoique pour être honnête, je n’ai pas la moindre idée de son « style » vu que tous les collégiens et lycéens japonais portent des uniformes. Toutefois, certains étudiants sont clairement mal engoncés dans ces vêtements qu’ils portent pourtant à longueur de journée, comme si ceux-ci n’étaient clairement pas faits pour eux. Elle, par contre, porte l’uniforme à merveille, au point que je l’imagine bien porter de telles jupes et chemises preppy même quand elle est loin de toute activité scolaire. Mais bon, qu’est-ce que j’en sais au final ? Je ne la vois que dans ce contexte de la salle de classe.

    Et donc ce matin, il y avait un sac à dos Batman au pied de son bureau.

    Comme elle est une des étudiantes les plus amicales de sa classe (le fait qu’elle soit bonne en anglais aidant – je ne parle pas encore trop bien le japonais), il m’arrive d’échanger trois mots avec elle de temps à autres, quand je passe dans les travées durant un exercice.

    Là, voyant ce sac, je lui ai simplement demandé s’il était à elle.

    Elle me répondit que oui et, me voyant étonné, s’étonna à son tour :

     

    Vous connaissez Batman !?

     

    Elle était assez stupéfaite de ma réponse. Comme s’il était impossible que son professeur d’anglais, étranger, et de surcroît de plus de 20 ans son aîné, puisse avoir la moindre idée de ce que représentait ce logo.

    Elle insista même un peu, et me reposa la question : « Vraiment vous connaissez ? » Je lui dis que oui vraiment, je le connaissais depuis aussi longtemps que je me souvienne. Puis je suis passé à autre chose. J’avais une classe à enseigner.

    Un peu plus tard, dans la journée l’épisode me revint à l’esprit. Je m’interrogeai alors sur les raisons de sa réaction. Il aurait été facile de mettre ça sur le dos de l’inculture ou de la stupidité. Cette fille est d’une grande intelligence, quant à savoir si elle est cultivée, j’avoue que même si je ne le sais pas très bien, il est clair qu’elle n’est pas pire que la moyenne des jeunes de son âge.

    En fait, je trouve sa réaction très intéressante, surtout comparée aux rapports que j’entretenais avec mes profs quand j’avais moi-même 15 ans. J’aurais moi aussi été plus que surpris si mon prof avait reconnu instantanément un élément appartenant à ma pop culture, que ce soit les comics (justement), les jeux de rôles (oui, je fus rôliste dans ma jeunesse) ou quoique ce soit d’autre que je considérais comme faisant partie de l’univers des adolescents et pas des adultes.

    De plus, chaque fois que mes élèves font référence à la pop culture, il s’agit de pop culture japonaise, or je suis complètement ignorant et n’ai presque aucun intérêt pour celle-ci. Elle aura peut-être présupposé que j’avais cette attitude envers la pop culture dans son ensemble.

    En tout cas, à l’époque, si jamais un de mes profs connaissait une de mes références culturelles (c’est arrivé), je peux vous assurer qu’il gagnait instantanément un nombre conséquent de points de coolitude. J’espère qu’elle raisonne de la même façon.

     

     

     

  • L’odeur des esprits adolescents

    L’odeur des esprits adolescents

     

    Hier soir, je suis allé faire un tour sur la promenade du bord de mer. Il s’agit d’une de mes activités préférées. Il s’agit même de la première chose que j’ai faite dans cette ville quand j’y suis venu pour la première fois, bien avant de m’y installer. Il n’y a que peu de choses plus reposantes, relaxantes et agréables à faire ici, lors des soirs d’été.

    Pourtant, étrangement, les locaux n’en sont pas si friands que ça, si on considère que nous étions samedi soir et que je n’y ai croisé qu’une grosse dizaine de personnes. Quoique moi même, malgré mon amour pour ce lieu, je ne m’y étais pas rendu en soirée sans aucun autre but que de m’y promener depuis environ un an. Je blâme une succession de concours de circonstances et de remises à la prochaine fois qui se multiplient un peu trop.

    Alors que je m’apprêtais à me diriger vers le chemin du retour, je vis deux jeunes en train de jouer de la guitare. Avoir vingt ans, voire un peu plus, et se rendre dans un coin calme en bord de mer pour y jouer de la guitare, cela n’a rien d’exceptionnel. Tout le monde ou presque l’a fait un jour quand l’occasion s’est présentée, moi le premier.

    Mais voila, je n’ai plus vingt ans.

    En passant près d’eux, je les ai regardé jouer et ils m’ont soudain fasciné. Je les ai enviés. Je les ai aimés pour leur jeunesse, leur insouciance, pour ce qu’ils représentaient. C’est-à-dire moi-même à leur âge. Même si j’ai grandi à l’autre bout du monde, je soupçonne ne pas avoir été très différent d’eux juste avant que ma vie ne prenne quelques tournants plutôt inattendus.

    J’ai soudain aussi compris une chose. J’ai compris ce que ressentaient les mecs de quarante voire cinquante ans qu’il nous arrivait de rencontrer parfois quand mes potes et moi avions 20 ans. Souvent sur des bords de mer en été la nuit, parfois à des concerts, dans des bars. Nous les fascinions. Ils essayaient de sympathiser avec nous, avec plus ou moins de succès selon leur degré de gaucherie. Paradoxalement, alors même que nous nous jurions de toujours « rester jeunes dans notre tête » même quand nous serons vieux,  nous trouvions souvent qu’ils avaient passé l’âge de « jouer aux jeunes » et nous nous sentions un peu gênés pour eux de se ridiculiser ainsi.

    Mais ce soir, tous ces mecs, je les comprends. Ce qu’ils ressentaient, c’était tout bêtement de la nostalgie. Et ils ne savaient pas comment y faire face.

    La nostalgie, ce sentiment souvent entrevu dans mes lectures, mes rencontres, mais jamais vraiment ressenti jusqu’à relativement récemment.

    Et ce soir, devant ces deux jeunes et leur guitare, il m’a frappé de plein fouet, ce sentiment. Moi aussi, j’ai été à deux doigts de vouloir me joindre à eux, mais je n’aurais fait que les gêner.

    Je me suis contenté d’un signe de tête, ce qui n’est pas rien dans ce pays où les inconnus s’ignorent complètement la plupart du temps. Il me fut rendu avec le sourire. J’ai continué mon chemin.

    J’eu soudain la drôle d’impression que le son provenant de leur guitare était un peu plus fort, comme s’ils voulaient me faire profiter de quelques accords de plus avant que je ne sois trop éloigné. Je doutais de la réalité d’une telle chose, jusqu’à ce que j’entende ces notes inoubliables pour quiconque a eu 20 ans au début des années 90.

    J’étais alors à plus d’une dizaine de mètres d’eux. Je me suis retourné. Exactement ce qu’ils attendaient.

    Un bras tendu vers le ciel, un signe de la main, un pouce vers le haut.

    Je pense qu’on s’est compris pendant ces quelques secondes.

    Je n’ai plus vingt ans.

    Mais mes 20 ans seront toujours quelque part auprès de moi.

     

    Smells Like Teen Spirit