La semaine dernière dans la jungle du métro parisien, deux lionnes se bagarrent une place sur un strapontin. En arrivant en gare, deux dames d’un certain âge, ayant une allure BCBG similaire et étant jumelle de coloration de cheveux entrent dans la rame en même temps. Les deux ont aperçu un strapontin vide. Les deux pénètrent dans le wagon en ayant pour cible le pauvre siège isolé. La mise au point de leurs rétines est concentré sur le fauteuil, elles font mine de ne regarder nulle part ailleurs. Le drame arrive lorsque leurs deux popotins souhaitent simultanément prendre place. S’en suit une succession superposée de « mais ne vous gênez pas ! » » Mais ne vous gênez pas » « humpf » « humpf »… Tellement pathétique que ça en devenait drôle.
Le beau :
Il y a quelques minutes, une dame, une touriste japonaise, est assise dans un carré. Face à elle, une mère de famille est assise avec ses quatre enfants (sur deux sièges, c’est du sport mais elle le fait !). Des sourires sont échangés. Telle Mary Poppins, la dame sort de son sac des grues multicolores en origami et les distribue aux enfants émerveillés. Succès garanti sans un seul mot échangé.
Utiliser le métro parisien est une expérience codifiée. Il y a les utilisateurs de métro RATP Parisien et les autres…souvent des touristes.
L’utilisateur Parisien « sait ».
Le touriste ne sait rien et agace l’utilisateur Parisien.
D’ailleurs, j’en profite…
« Cher touriste,
Merci de visiter Paris. Mais quand tu décides d’interrompre un usager dans sa lecture et son écoutage musical, il est bienvenu de le saluer en disant « Bonjour » et éviter de parler tout de suite en anglais.
Merci, thank you, danke, gracias, arigato ect… »
Revenons à nos moutons métros.
Mes biens chers usagers, levez-vous
Utiliser le métro peut être comparé une pratique rituelle religieuse. Dans une rame, les utilisateurs pratiquant savent quand il faut se lever des strapontins comme à la messe. Dans un wagon qui se remplit, il est de bon ton de ne pas utiliser des cm² négligemment en étant assis sur un strapontin. A quoi reconnait-on un wagon assez plein pour être debout ou suffisamment vide pour être assis ? L’usager le sent, il sait.
J’aime bien voir ce mouvement synchronisé : On arrive en gare, on vit le monde sur le quai et « hop », il n’y a pas de Danette mais tout le monde lève. Gare à celui qui reste assis quand la rame est pleine !
Les grands n’ont pas de chance
Plusieurs sources m’ont confirmé que les grands préfèrent rester debout si les strapontins sont occupés plutôt que de prendre une place libre dans un carré, pour cause de genoux qui touchent ceux des autres. On se touche beaucoup dans le métro (parfois trop…) donc si on peut l’éviter, les grands évitent. Merci à eux.
Du positionnement ou la connaissance de la connaissance
Les usagers se positionnent sur le quai en fonction de la localisation de leur sortie de métro. Dans la 9 avant Nation, beaucoup de personnes se trouvent en queue de train car elles vont prendre le RER A. Celles qui prennent la 6 à Nation se préparent à entrer dans le wagon au niveau de la machine Selecta à Maraichers. Certains passagers ayant connaissance de ces faits vont en profiter. Il y a donc une méta-connaissance. Des usagers ayant un long trajet en perspective eux et souhaitant être assis vont entrer dans les wagons d’où beaucoup de monde vont descendre dans très peu de station. Ainsi, pendant que les gens descendent et avant que les suivant ne montent, ceux-ci qui ont eu la révélation du positionnement peuvent s’assoir.
Comprendre la subtilité du vocable
« Rendez-vous au métro Rue du Bac », cela veut dire qu’on se retrouve en surface et non sur un des quais du métro.
« Rendez-vous à Madeleine » ne veut pas dire « Rendez-vous sur les marches de l’église de la Madeleine mais au métro Madeleine – en surface –
Dans les grandes stations type République, il convient d’indiquer le numéro de sortie à laquelle se retrouver.
Encore une fois, celui qui sait le sait. (Aveux : je me suis fait avoir plusieurs fois en débarquant dans la capitale.)
Du sexe des trains
les métros sont féminins :
la une, la neuf, la quatre… sous entendu « la ligne une »
Les RER sont masculins :
le A, le B… sous entendu « le RER A »
Une sortie dans l’élégance
poussez !
Pour sortir du métro, il existe des types de porte différente selon les stations. Certaines sont des portes battantes qu’il faut pousser en appuyant où il faut. L’emplacement est indiqué par une zone verte mais je vous promets qu’il faut une « magic touch » pour les ouvrir. Il faut savoir faire.
Les usagers le savent et quand on passe avec succès une de ces portes, on la maintient ouverte si un co-usager arrive pour sortir également.
Dans le métro, on peut regarder ses pieds, son pda, son livre ou les quais. Comment ça ? Que dites-vous ? Vous pensez qu’on peut aussi regarder les autres gens … Ça va pas non ? Les autres gens pourraient me manger !
Sur les quais j’aime bien regarder les nouvelles publicités. J’adorais celles pour les films de Canal Plus l’an passé. Le plus souvent, ce sont les publicités qui me semblent ratées qui me font réagir. Je ne parle pas de celles qui invitent les couples mariés à vivre pleinement leurs histoires extraconjugales.
En voici quelques exemples :
Envie d’aventure
Raid en Guyane avec chauffeur
Je lis Raid et Aventure
Je lis Guyane
Je lis féminin
J’imagine :
une randonnée sportive en foret vierge façon publicité Hollywood Chewing-gum des années 80.
Je vois :
un poolboy bien musclé (garçon de piscine) qui promène des dames qui font la sieste.
Utiliser le métro parisien est une expérience très personnelle et assez individualiste. Les minutes passées dans le réseau ont très souvent des répercussions sur les heures vécues à l’extérieur des tubes souterrain.
Je passe au moins 90 minutes par jours ouvrés dans le métro. Une des répercussions de ce mode de transport sur ma petite personne est le fait d’y réfléchir beaucoup. Par exemple, comment se fait-il que toutes les personnes assises dans un même carré portent un jour des chaussures rouges ? Les plus rationnels d’entre vous me parleront de hasard et de proba et autres… Vous n’êtes pas fun ! Mais ce n’est pas ce dont je veux parler aujourd’hui.
Analysons cette scène vécue :
Ligne 9, station Maraîchers.
Une dame était assise sur un strapontin. Beaucoup d’usagers entrent donc elle se lève et se positionne près d’un carré. Je me positionne au niveau de son strapontin délaissé.
Explication de son déplacement :
En tant qu’usagère fidèle elle se doit de savoir que de nombreux passagers descendent à Nation, deux stations suivantes. Cela lui garantira sûrement une place pour le reste de son long voyage.
Personnellement, quand la rame n’est pas archi-pleine, les gens qui bloquent la sortie des carrés me gonflent.
Le train entre en gare de Nation. Aucune des huit personnes assises sur les places en carré ne sort. Pire, des gens descendent de la rame mais presque personne ne monte. Les strapontins peuvent donc être utilisés et je m’assoie. La dame a continué son chemin debout.
Ma conclusion :
Elle avait vraiment un mauvais karma ce jour-là, alors que le mien se portait bien.
Le métro est un révélateur de notre niveau de karma. Le karma peut se mesurer sur l’arrivée du train, son remplissage, sa vitesse. D’où le côté très individualiste du métro, chacun ressent la négativité ou la positivité du métro différemment mais voici ma lecture de quelques cas possibles (hors drame).
Karmamétre du Métro :
Bon karma : le métro arrive tout de suite, il y a de place, personne de pénible
L’univers vous ignore : le métro arrive dans deux minutes, RAS
Mauvais karma : le métro part quand on arrive sur le quai, pas de place assise seulement pour vous.
Si l’univers est contre vous : un métro plein de places libres part quand vous arrivez sur le quai et le suivant est dans 7 minutes et il arrivera bondé.
Si l’univers vous adore : vous tombez sur une connaissance sur le quai ou dans la rame.
Personnellement, il m’en faut peu pour considérer que j’ai eu un bon trajet : une place et peu d’attente me conviennent. Réussir à faire un trois étoiles à Angry Birds est un plus appréciable 😉
Un de ces jours, je vous parlerai de ma vision perso des codes du métro parisien.
Le métro me fait beaucoup râler et pourtant il est des fois où il me met de bonne humeur. On y croise régulièrement le pire des caractères et finalement, on n’y prête plus trop attention. Donc, quand le moindre petit acte bienveillant arrive, il déclenche une vague positive qui durera quelques stations.
C’est ce qui m’est arrivé un matin.
Ligne 9. 7h45. Tôt. Je passe mon pass. J’entends qu’un train arrive. Je descends l’escalier. Je me dépêche. Je pense que ça sert à rien que je vais le rater. Rater un métro ça peut déclencher des vagues très négatives bien que deux minutes ne représentent rien du tout… bref, voilà ce que je pense quand j’arrive à la dernière marche. La sonnerie indiquant la fermeture des portes a déjà commencé à retentir. C’est trop bête. Si j’avais marché plus vite, si je n’avais pas écouté la radio 30 secondes de plus. Zut. C’est trop bête. Deux minutes… Je suis sur le quai. La sonnerie continue. Le train est là. Toutes les portes sont encore ouvertes. Un jeune assis sur un strapontin dans l’entée, à côté de la porte, pose le pied devant et la main contre le caoutchouc noir. J’aurais surement eu le temps de rentrer même sans son geste. Mais le geste fait tout. Je n’ai pas eu à attendre deux misérables minutes. Je n’ai pas eu à râler. Surtout, de bon matin quelqu’un a été tout simplement sympa.
Et moi j’étais plein de gratitude, pour le geste et pour la bonne humeur que cela entraine.